"Penser ce qui nous arrive." Hannah Arendt

mardi 1 décembre 2009

Les nouvelles Menaces (1) : La Pandémie

Et si les peurs structuraient autant nos imaginaires que nos désirs ??
L'épidémie occupe une place centrale dans nos imaginaires.
Au XVIIième siècle dans le sillage des Lumières va naître un mythe ,celui de l'éradication des épidémies.Ce mythe va se développer pendant 2 siècles en même temps que le progrès scientifique pour se retourner dans les années 80 avec l'apparition de maladies nouvelles sida,ebola),de la résistance aux antibiotiques et une nouvelle croyance va émerger petit à petit : "il est désormais impossible compte tenu de l'évolution des virus et de la mondialisation d'échapper à une nouvelle pandémie"

Quelles sont les principales étapes de l'évolution de cette croyance :
1ière période : L'âge de la peste et de la quarantaine
La peste apparaît en Europe au XIV°s et sera pratiquement éradiquée au XIX°s.
La première grande peste de 1348 ,"la peste noire", va occasionner entre 25 et 50% de mortalité selon les lieux urbains.
  1. Les principales raisons : le mouvement d'urbanisation de l'époque déplace des populations et augmente les importations de blé des rives de la mer noire.Pendant la guerre entre génois et mongols, ces derniers vont catapulter des pestiférés morts sur les troupes ennemies. Vaincus par cette guerre bactériologique les génois s'enfuient et vont contaminer les ports d'escale. Une fois la peste identifiée les bateaux contaminés sont exclus de certain ports.Le port de Marseille voulant faire une bonne affaire en accueillant ces marchandises ,les laissent débarquées la peste avec.
  2. Le mode de protection nait à Raguse et à Venise: les malades sont mis à part sur une ile dans un Lazaret durant 40 jours;
  3. Le bilan est plutôt positif : à un rythme d'une épidémie tous les 10 ans ,seulement 4 ou 5 viendront des ports.
  4. La dernière peste de 1720 à Marseille : due à une nouvelle négligence qui voit malgré une mise ne quarantaine d'un bateau, le débarquement d'étoffes les plus précieuses par une poignée de marins. Cela va entraîner la construction de murs en cordon sanitaire de plus en plus grands au fur et à mesure de la progression de la maladie : 7 au total.
2ième période : L'english system et l'hygiénisme
Un basculement s'opère à l'occasion des épidémies de choléra en 1882;
La maladie provenant d'un pays pauvre suscite un débat chez les scientifiques entre ceux qui pensent qu'elle ne touchera pas les plus riches et les autres qui veulent maintenir le "cordon sanitaire".
Les libéraux préfèrent le faire sauter (un homme tous les 100 m, à portée de fusil coûte très cher et empêchent les échanges ) au profit d'un effort sur l'état sanitaire des villes,responsable de la propagation des maladies ( nouvelle croyance hygiéniste)
  1. Un nouveau dispositif se met en place : quand un bateau arrive les malades sont hospitalisés,on demande leur adresse aux autres et on les renvoie chez eux.
  2. La frontière de l'épidémie est repoussée à ...l'extérieur de l' Europe. L'Egypte, la Turquie ,le parcours du pèlerinage musulman deviennent la nouvelle frontière. Les anglais utilisent Malte comme escale avant l'Angleterre pour leurs bateaux. A l'intérieur des villes ,elle est identifiée par la déclaration d'ilots insalubres.
  3. Une politique d'assainissement de l'eau dans les villes se met en place en parallèle.
3ième période : La libre circulation et le facteur social.
  1. La lutte contre la tuberculose au début du XXième siècle fait apparaître une nouvelle controverse entre les tenant de la contagion médicale et ceux du facteur social aggravant. Les réponses ne sont pas les mêmes : les dispensaires sont des détecteurs de malades avant tout; vers 1920 il y a basculement avec le reconnaissance du facteur social aggravant. Durant toute cette période les médecins trichent avec les chiffres : 150000 morts par an annoncés alors qu'en réalité pas plus de 8000.
  2. Les passages de la grippe : on ne sait pas trop ce que sait mais on en observe les dégâts à plusieurs reprises : 1889 : 90000 morts;oct -nov 1918 sous fond de victoire : 240000 morts, la grippe est secondaire.La grippe de 1970 a fait 30000 morts et on en parle pas
En conclusion :
Une épidémie est toujours l'occasion de déplacement des acteurs et des jeux de pouvoir entre eux. Exemple le SRAS a permis à l'OMS de rentrer en Chine pour garantir aux occidentaux la non contamination des produits importés en occident.
Concernant les épidémies actuelles la question est de savoir si les occidentaux sauraient prendre les mesures dures nécessaires de sécurité, d'accès aux hopitaux, aux médicaments en cas d'événement imprévu grave.
D'après l'atelier Transit City du 25/09 animé par François Bellanger avec Patrice Bordelais ( EHESS) comme invité principal.