Autrement dit : comment la crise vient menacer cette capacité d'empathie ?
La thèse de Tisseron est que si la capacité d'empathie caractérise les êtres humains , ils savent également bloquer cette capacité en étant par exemple trop longtemps plongés dans un climat d'insécurité.
1/Pourquoi et par quoi est elle menacée ?
- la précarité des liens partout revendiquée ( familiaux, professionnels, amicaux..) vient affecter la relation aux autres. Par exemple plus un milieu professionnel incite à se dépasser, à ne pas s'écouter, plus l'empathie envers les autres diminue.
- les nouvelles techno du travail ( portable, mobile) génèrent un stress de l'individu toujours disponible et donc une atteinte du respect de l'individu modèlisable dans la relation à autrui (managériale et familiale)
- les médias se nourrissant de récits de crise stressant et ayant tendance à les fabriquer ou tout du moins à en construire le récit.
2/Quelles sont les réactions observées ?
- le court termisme : on choisit un métier en sachant que l'on en changera plusieurs fois, idem pour un conjoint dont on pourra se séparer.
A défaut de pouvoir contrôler on cherche à se rassurer.
- le repli d'investissement sur des liens inaliénables : le lien avec l'ancêtre (l'enthousiasme récent pour la généalogie) ou soi même : créer sur le web son profil,son mur et s'y contempler régulièrement.
- l'expression dans des communautés de croyance :on est sur de rien mais si 50, 100, 500 personnes partagent la m^me croyance cela rassure et rein d'autre existe . Cela devient une vérité du moment peut être, mais la vérité. Exemple :les rumeurs comme celles du 11 septembre su le web : si autant de personnes pensent que cela ne c'est pas produit selon la version officielle , c'est ... qu'elle est fausse.. que quelque chose est caché..
Internet fabrique ces communautés et propose de plus en plus un monde entre soi, protecteur et rassurant à travers l'affinitaire.
3/Quelles conséquences sur le fonctionnement psychique ?
C'est la question essentielle et selon Serge Tisseron plusieurs conséquences en découlent :
- la capacité de refoulement de l'individu qui dès l'enfance soumis à un "bombardement" d'images (violence sexualité) à du mal à intégrer le refoulement.
L'absence du refoulement mène au clivage qui depuis Férenczi est décrit comme la capacité à compartimenter sa personnalité. L'enfant apprend à se positionner sur une ou l'autre facette de sa personnalité selon les situations : exemple souvent raconté de l'enfant très sage qui devient très violent de façon complètement imprévisible.
Hors le refoulement favorise de se mettre à la place de l'autre , donc l'empathie. Le clivage le diminue par le changement de posture.
Chez les enfants les jeux de changements de rôle dans une même situation ( victime, bourreau..)sont décisifs pour développer les comportements d'empathie, cela lui permet d'expérimenter et de développer tous les rôles.
-la capacité d'empathie est à deux niveaux : l'empathie cognitive tout d'abord, l'individu porte son attention vers l'autre pour comprendre son fonctionnement. Elle suppose d'accepter de se mettre à la place de l'autre.
Si elle reste à ce stade, si elle se sur développe cela devient l'empathie du prédateur: j'apprends à mieux te connaître pour te manger, t'asservir.
C'est aussi à un degré moindre et dans des contextes de crise celle qui développe les comportements de survie : j'apprends du monde pour mieux m'y adapter, pour survivre.
Ainsi les récits des déportés sur les comportement de survie dans les camps :chercher d'abord à conserver ses chaussures, ensuite de la nourriture.
Le deuxième niveau est celui de l'empathie relationnelle qui suppose de renoncer à sa toute puissance sur l'autre, de renoncer à toute emprise, d'accepter que l'autre se mette à ma place .
Celle de la rencontre à l'autre dans la durée qui semble la moins valorisée et de plus en plus ignorée.