"Penser ce qui nous arrive." Hannah Arendt

mardi 2 février 2010

Paroles de psys sur la Crise(2)



Suite du récit et commentaires du colloque de la SFP avec l'intervention de Serge Tisseron sur le nouveau paysage relationnel derrière la crise.
Autrement dit : comment la crise vient menacer cette capacité d'empathie ?
La thèse de Tisseron est que si la capacité d'empathie caractérise les êtres humains , ils savent également bloquer cette capacité en étant par exemple trop longtemps plongés dans un climat d'insécurité.

1/Pourquoi et par quoi est elle menacée ?
- la précarité des liens partout revendiquée ( familiaux, professionnels, amicaux..) vient affecter la relation aux autres. Par exemple plus un milieu professionnel incite à se dépasser, à ne pas s'écouter, plus l'empathie envers les autres diminue.
- les nouvelles techno du travail ( portable, mobile) génèrent un stress de l'individu toujours disponible et donc une atteinte du respect de l'individu modèlisable dans la relation à autrui (managériale et familiale)
- les médias se nourrissant de récits de crise stressant et ayant tendance à les fabriquer ou tout du moins à en construire le récit.

2/Quelles sont les réactions observées ?
- le court termisme : on choisit un métier en sachant que l'on en changera plusieurs fois, idem pour un conjoint dont on pourra se séparer.
A défaut de pouvoir contrôler on cherche à se rassurer.
- le repli d'investissement sur des liens inaliénables : le lien avec l'ancêtre (l'enthousiasme récent pour la généalogie) ou soi même : créer sur le web son profil,son mur et s'y contempler régulièrement.
- l'expression dans des communautés de croyance :on est sur de rien mais si 50, 100, 500 personnes partagent la m^me croyance cela rassure et rein d'autre existe . Cela devient une vérité du moment peut être, mais la vérité. Exemple :les rumeurs comme celles du 11 septembre su le web : si autant de personnes pensent que cela ne c'est pas produit selon la version officielle , c'est ... qu'elle est fausse.. que quelque chose est caché..
Internet fabrique ces communautés et propose de plus en plus un monde entre soi, protecteur et rassurant à travers l'affinitaire.

3/Quelles conséquences sur le fonctionnement psychique ?
C'est la question essentielle et selon Serge Tisseron plusieurs conséquences en découlent :
- la capacité de refoulement de l'individu qui dès l'enfance soumis à un "bombardement" d'images (violence sexualité) à du mal à intégrer le refoulement.
L'absence du refoulement mène au clivage qui depuis Férenczi est décrit comme la capacité à compartimenter sa personnalité. L'enfant apprend à se positionner sur une ou l'autre facette de sa personnalité selon les situations : exemple souvent raconté de l'enfant très sage qui devient très violent de façon complètement imprévisible.
Hors le refoulement favorise de se mettre à la place de l'autre , donc l'empathie. Le clivage le diminue par le changement de posture.
Chez les enfants les jeux de changements de rôle dans une même situation ( victime, bourreau..)sont décisifs pour développer les comportements d'empathie, cela lui permet d'expérimenter et de développer tous les rôles.
-la capacité d'empathie est à deux niveaux : l'empathie cognitive tout d'abord, l'individu porte son attention vers l'autre pour comprendre son fonctionnement. Elle suppose d'accepter de se mettre à la place de l'autre.
Si elle reste à ce stade, si elle se sur développe cela devient l'empathie du prédateur: j'apprends à mieux te connaître pour te manger, t'asservir.
C'est aussi à un degré moindre et dans des contextes de crise celle qui développe les comportements de survie : j'apprends du monde pour mieux m'y adapter, pour survivre.
Ainsi les récits des déportés sur les comportement de survie dans les camps :chercher d'abord à conserver ses chaussures, ensuite de la nourriture.
Le deuxième niveau est celui de l'empathie relationnelle qui suppose de renoncer à sa toute puissance sur l'autre, de renoncer à toute emprise, d'accepter que l'autre se mette à ma place .
Celle de la rencontre à l'autre dans la durée qui semble la moins valorisée et de plus en plus ignorée.