"Penser ce qui nous arrive." Hannah Arendt

mardi 7 décembre 2010

Nouveaux concepts( (6) : La Culture Monde(3)La Fin des illusions(1)


La Fin des illusions pourrait être le titre de la conférence donnée vendredi 26 novembre à l'atelier Transit City par Hervé Juvin. En près de deux heures ce dernier s'est attaché à renverser de façon radicale les modèles de pensée liés à la croissance des pays occidentaux.
Deux postulats déjà présentés par François Bellanger précède la réflexion :
- Il y a dans le monde de plus en plus de pauvres du fait de la croissance démographique : 9milliards d'habitants dont 5 milliards de pauvres.
- La rareté des ressources est de plus en plus présente : si il faut aujourd'hui 1,5 planètes pour produire la consommation de tous ses habitants sur notre mode de vie, il en faudra 2 dans 10ans, 6 dans 30 ans...
Il s'agit donc de penser autrement notre modèle de croissance, nos modèles de vie...

Pour Hervé Juvin ces deux basculements sont aujourd'hui évidents :
- Fin du modèle de croissance pour passer dans un monde de la rareté
- Vers une désoccidentalisation du monde et sa décentration "hors de l'occident".

Mais surtout nous vivons nous occidentaux une transformation anthropologique dont nous n'avons pas encore idée et sous l'effet de laquelle "français", européen" n'auront plus la même signification.
1/Le renversement par l'avénement du corps comme unique capital : que se passe t-il dans la vie des hommes quand soudain ils s'aperçoivent que :
- par les actes de leur vie quotidienne ils ne peuvent plus atteindre le salut éternel,
- par leur bulletin de vote ils ne peuvent plus changer la société, le système politique.
Jusqu'en 1981 nombre d' intellectuels français avaient une croyance messianique au pouvoir de la politique de changer les choses . Depuis 30 ans elle a beaucoup reculé.
Face à ce "désenchantement du Monde" l'homme se retrouve seul avec son corps, sa santé, sa sécurité, sa séduction comme unique capital.
Cela change tout son rapport au monde et génère en même temps une industrie.

2/ Le renversement par l'expulsion du rapport à la nature : le monde de l'enfance de nos générations est pour beaucoup un monde en relation avec la nature;un lien physique qui vient peuplé le langage.
La nature n ' est plus que ce l'on fait d'elle, elle ne domine plus ,c'est quelque chose d'entièrement nouveau.Le hasard de la nature n'est plus accepté.
Elle devient une ressource rare , payante parfois et de moins en moins accessible librement , gratuitement au plus grand nombre.

3/Le renversement par l'expulsion du politique : nous avons rêvé d'une sortie de la condition politique pendant 30ans avec 3 illusions principales :
- Margaret Thatcher 1980: "La société ça n'existe pas", phrase fondatrice du néolibéralisme. Si elle n'existe pas , nous ne sommes que des individus à la recherche de leur meilleur intérêt à tout moment.Nous ne sommes que des individus de droit ,créant des liens contractuels et temporaires avec leur entourage et pouvant les délier à tout moment.
- Tony Blair 1996 : " Le système de l'Occident est le meilleur du Monde, d'ailleurs dès que les peuples ont le choix, ils l'adoptent.
- GW Bush : il suffira d'éliminer quelques méchants dans le Monde pour parfaire l'unification planétaire, libérale.

Pourquoi tout le monde y a cru ? En partie parceque plusieurs faits historiques du XX° siècle sont restés sans explication :
-Quelles sont les causes profondes de la guerre de 1914 alors que l'Europe était prospère et dominait le monde?
-Comment expliquer les tergiversations puis les raisons de l'entrée en guerre des USA ?
- Comment expliquer la chute "pacifique" et sans opposition de l'Empire soviétique ?

Comment ces faits sont démentis :
- depuis Maastricht et ses critères de convergence jamais les pays de la zone euro n'ont autant divergé en : chomage, commerce extérieur..
- de nombreux pays émergents ont adopté nos technologies mais pas le système démocratique.Pire les chinois nous interrogent sur notre démocratie qui nous fait agir en "oui" quand nous votons en "non";ils la substituent par "des formes adaptées de gouvernance"

Pour suivre Maurice Godelier, ce n'est jamais l'économique qui fait société, qui la fonde mais les croyances, les mythes, le rapport au sacré...