"Penser ce qui nous arrive " écrivait Hanna Arendt, c'est exactement ce que propose Myriam Revault d'Allonnes avec cette réflexion philosophique sur la remise en question du concept de vérité à l'heure de Trump, des fake news et de la post vérité.
# Tout d'abord un rapide historique de ce concept en trois étapes :
- celle des philosophes classiques depuis Platon, pour lesquels est vrai ,ce qui est conforme au réel
- celle des philosophes du soupçon (Nietzsche, Freud, Marx) , pour les quels les faits sont très relatifs à leurs interprétations
- celle de la post vérité : les faits ont moins d'importance que que leur appréhension subjective.
#Tout commence par un "débat" entre Platon et Aristote sur la dé"finition de la vérité en politique.
Pour Platon, Socrate, philosophe épris de vérité, est une victime de la cité démocratique (ce qui établit pour longtemps un antagonisme en quête de vérité et pratique du pouvoir par un démos réputé irresponsable et incontrôlable)
La voie aristotélicienne considère que s'il existe une vérité en politique ,elle passe par une réévaluation de la doxa qui s'élabore dans le débat public.
L'émergence de la post vérité n'est pas sans rapport avec la montée des populismes, qui jouent du ressentiment contre les élites.
La question centrale du livre est de savoir à quoi la post vérité porte-t-elle atteinte ?
#Hanna Arendt s'est évertuée a montrer les paradoxes qui traversent les relations entre politique, opinion et vérités de fait.
Pourtant une erreur serait de considérer que que la fabrication des "faits alternatifs" relève des mêmes mécanismes que l'idéologie totalitaire.
Dans les régimes totalitaires, une idéologie "fantasmatiquement fictive" suscite un monde à la fois mensonger et cohérent que l'expérience est impuissante à contrarier.
Dans les sociétés démocratiques, la post vérité (prolifération des fake news, existence de faits alternatifs) procède d'une autre logique : les vérités dérangeantes ou mal venues se voient transformées en opinions que l'on peut soutenir comme si elles n'étaient pas directement ancrées dans des faits incontestables.
Processus facilité par une propension relativisme du "tout se vaut", qui permet de se débarrasser de l'évidence factuelle pour aboutir à une sorte de diversité indifférenciée où l'énoncé des opinions n'a plus besoin d'être étayé ni légitimé par des faits.
La post vérité met ainsi à bas la validation de l'opinion par le fait et aboutit ainsi à l'effacement du partage entre le vrai et faux.
Il n'est plus nécessaire que les faits informent les opinions et il est même possible de proposer alors, comme dans deux très fameux récents épisodes de l'actualité (Cérémonie d'investiture de Trump et la météo, Brexit et ses conséquences ) des faits alternatifs.
# Si ce monde de la post vérité a de fortes raisonnantes avec 1984 de Georges Orwell, c'est parce qu'il figure dans ce livre un monde où l'idée même de vérité aurait disparue et où la seule liberté dont dispose celui qui veut résister est de pouvoir consigner dans son journal que deux et deux font quatre.
La société dystopique de 1984 est une société où a disparu toute référence à la vérité du sens commun qui rend possible à la fois le partage du jugement et celui des expériences sensibles.
Elle est peuplée d'individus pour qui la distinction entre fait et fiction, entre vrai ou faux n'existe plus.
Le pouvoir heuristique de la fiction a sombré en même temps que la force du vrai .