Un très beau livre qui traite de notre capacité à relever le défi climatique avec plusieurs approches pas forcément très nouvelles mais bien ficelées pour proposer un socle de juridique, philosophique et narratif nécessaires à sa mise en oeuvre.
Un concept central : la réparation du monde ou comment apprendre à habiter la terre en cohabitant avec les autres et en sortant de la logique destructrice.
Son point de départ : un constat plus que partagé d'un monde abîmé, en plein désordre , les êtres divisés entre eux et en eux mêmes.
Le risque majeur : aggraver ces désordres en se résignant à une dérégulation contenue dans notre modèle de développement actuel ou en s'appuyant sur une idéologie s'abstrayant de la démocratie.
#Le concept de réparation du monde issu de la kabbale, de Issac Louria, signifie que c'est à partir des étincelles de lumière répandues ça et là dans l'univers , dans les âmes des humains, dans les animaux, dans les choses, que nous pouvons reconstituer les vases qui se sont immédiatement brisés après la création.Ces vases qui ont recueilli et réfléchi la lumière divine n'ont pas supporté son intensité.Notre responsabilité est de rechercher ces morceaux éclatés pour y retrouver la vérité qui nous est accessible seulement de manière imaginaire.
Toute crise qu'elle soit personnelle ou collective est toujours l'expérience de la rupture de l'unité.
Réparer le monde ne veut pas dire recoller les morceaux mais plutôt examiner attentivement chacun des éléments qui le composent pour en apprécier la valeur propre .
Réparer le monde n'est pas faire advenir soudainement une autre réalité mais savoir que, si des changements sont nécessaires ils se mettront vraiment en place plus tard.
J'ai sélectionné 4 thèmes qui m'ont semblé particulièrement intéressants :
#La cause animale aujourd'hui : les violences infligées aux animaux ne suscitent pas seulement des pbs moraux mais aussi d'injustice : nous nous sommes octroyés une souveraineté absolue sur des êtres sensibles dont les besoins éthologiques et la subjectivité devrait limiter notre droit de les exploiter comme bon nous semble.
Nous utilisons des stratégies de défense psychologique comme le déni, le clivage, la rationalisation afin de nous protéger des sentiments négatifs que la maltraitante animale et la dégradation de la planète suscitent en nous.
La question animale est stratégique : elle nous oblige à examiner de manière critique les catégories ontologiques que servent à penser les différences entre les humains et le animaux et sont au fondement de notre éthique et de notre droit.
Au lieu de faire de la cause animale un ilot éthique , il importe qu'elle est indissociable d'une interrogation globale sur notre habitation de la Terre et qu'elle est même le chapitre central d'un projet visant à opérer une transition globale vers un modèle de développement écologiquement soutenable et plus juste.
Déterminer les règles de cohabitation en très humains et animaux qui ne soient pas au seul bénéfice des premiers.
La prise en considération de notre finitude , la conscience de la communauté due destin nous unissant aux autres vivants change aussi le régime de notre affectivité, c'est à dire nos évaluations, nos émotions, nos désirs et nos comportements.
Ainsi la cause animale s'inscrit dans un vaste mouvement qui se caractérise par la réhabilitation de la vulnérabilité, la prise en compte de notre finitude et des limites planétaires et pas l'ouverture à l'altérité qui est la reconnaissance de la positivité de la différence.
#L'éthique des vertus
Le dernier volet du combat en faveur de la cause animale consiste à encourager l'acquisition de traits moraux qui conduisent les individus à percevoir le respect envers les autres êtres vivants comme une composante du respect d'eux mêmes .
La conscience d partager la Terre avec les autres vivants et d'avoir une communauté de destin avec les animaux qui comme nous sont vulnérables devient une évidence quand nous nous percevons comme des êtres charnels et engendrés. Nous ressentons alors le lien profond nous unissant aux autres faits de chair et de sang.
Les changements de style de vie qui s'ensuivent ne sont pas vécus comme des sacrifices mais ils s'imposent d'eux mêmes et engendrent un sentiment d'accomplissement de soi.ainsi le fait de s'abstenir de chair animale ou de réduire drastiquement sa consommation d produits animaliers va de pair avec la recherche stimulante d'alternatives végétales et avec le plaisir de cuisiner.
L'animalisme est aussi un humanisme !
L'expérience de la transcendance : en ressentant mon appartenance au monde commun qui m'accueille à ma naissance et me survivra à ma propre mort, j'élargis la sphère de ma considération et intègre au coeur de mon bien être l'intérêt des autres humains et non-humains.
#Ecologie et démocratie
L'écologie est un défi pour la politique et la démocratie car elle impose de tenir compte à la fois des normes écologiques et de la souveraineté du sujet.
Les normes seules sont incapables d'induire les comportements requis pour opérer la transition environnementale.Il convient donc de s'intéresser à ce qui fait que les personnes reconnaissent le bien-fondé des normes environnementales et éprouvent du plaisir à agir écologiquement responsables.
La capacité à admirer la nature se nourrit de cette connaissance de soi qui change le regard que l'on porte sur les autres formes de vie.
Les styles de vie et les affects sont les conséquences et non les causes d'une transformation du sujet lé à un processus d'individuation qui ne concerne pas seulement le choix des biens mais implique aussi un rapport au tout.
Le lien entre humilité et la capacité des individus à éprouver de la gratitude , à s'émerveiller de la beauté de la nature et des autres vivants est manifeste : le rappel à sa condition terrestre dispose à la compassion envers les autres vivants, alors que le sentiment d'être le roi justifie l'arrogance et l'humiliation.
La considération (#respect) suppose non seulement la connaissance de soi et de sa place mais aussi une juste estime de soi et ce que les Anciens appellent la magnanimité.Elle suppose également une expérience de l'incommensurable par rapport à laquelle le sujet éprouve sa finitude et perçoit sa juste place dans le monde.
#Elaborer un récit de coopération pour réussir la transformation
Si la prise de conscience de la nécessité de la transformation écologique est de plus ennuyant plus forte comment explique le décalage entre la théorie et la pratique ?
Il faut d'abord reconnaitre que la transition écologique n'a jamais été présentée comme un projet global de reconstruction sociale et politique pouvant susciter l'espérance des individus et donner du sens à leur existence.
La plupart du temps elle apparait comme un fardeau et non comme une entreprise de réparation du monde à laquelle chacun pourrait prendre part. Seuls les efforts et les sacrifices immédiats qu'il demande sont perçus , ce qui ne motive guère les personnes à changer leurs habitudes de consommation et leurs pratiques .
La prise en compte du défi climatique nécessite d'articuler trois dimensions de l'écologie : l'écologie environnementale qui s'attache à la dégradation des ressources, l'écologie sociale qui pose le problème de l'organisation du travail et l'écologie mentale qui renvoie le sujet à son expérience vécue.
N'étant pas suffisamment équipés sur le plan psychique pour faire face au changement , supporter les pertes et commuer la peur de l'effondrement en une résolution à agir de manière concrète et concertée , nous avons privilégié les comportements court-termites et l'égoïsme , négligeant les ressources de la coopération et ne nous donnant pas les moyens d'innover.
L'ignorance n'est pas la cause principale de cette incapacité et les connaissances ne suffisent pas non plus à générer les changements individuels. et collectifs qui sont nécessaires.
Le processus de transformation de soi comprend deux volets :
- le 1er qui conditionne autonomie morale et émancipation suppose que chaque individu prenne de la distance à l'égard des représentations de la vie réussie qu'il a reçue et qui parfois aliènent.Il s'agit d'accéder au pouvoir d'affirmer ce à quoi il tient.
- Le second volet renvoie à l'élargissement de la sphère de sa considération morale qui implique que l'horizon de ses pensées et de ses actes soit le monde commun et pas seulement son bien être, celui de ses proches ou même la prospérité de son pays.