Albert Moukheiber est docteur en neuro sciences et psychologue. Il travaille depuis sa thèse sur la construction des opinions et est venu le 8 mars 22 nous présenter son sujet d prédilection : le cerveau
ll vient des sciences cognitives qui cherchent à comprendre les mécanismes qui façonnent les comportements individuels et collectifs et leur interaction avec leur environnement : neuro biologie, philosophie, psychologie, anthropologie
Sa thèse est qu'il existe beaucoup d’outils sur comment se protéger de l’extérieur mais assez peu sur comment se protéger de soi même ou comment générer du doute pour pouvoir prendre une décision ?
Deux grandes questions pour poser le problème :
A Pourquoi on ne pense pas tous la même chose ?
Il évacue deux facteurs : le physique et le vécu
Dans un monde incertain , il existe trois raisons principales :
1 notre perception est partiale
2 notre attention est limitée
3 le monde est complexe
Nous ne percevons donc pas tous la m^mes chose
B Comment acquiert on de la connaissance ?
Quand on a une info incomplète le cerveau a tendance à combler la lacune : exemple de la saignée en médecine ; des fausses corrélations (polio et ice scream)
La carte n’est pas le territoire
En science les cartes sont des modèles théoriques
Nos cerveaux développent des modèles théoriques sur tout
Ces jugements conditionnent qui je suis
Les règles sont façonnées par le modèle bio psycho social
Comment ça marche ? A partir d'un processus où s'enchainent : perception - natation - prise de décision avec des boucles de rétroaction
1 La perception :
À partir de 8 sens : les 5 connus + thermoception (chaleur) + la notiception (douleur) + la proprioception ( équilibre)
Mais nos capteurs ne sont pas très fins et ne captent pas tout
Il existe de nombreux stimuli ambigu multistables : certaines informations incomplètes forcent le cerveau à reconstituer du sens
Face à une incertitude le cerveau cherche à le combler
Plus une situation est incertaine plus on peut lui attribuer le sens qu’on veut
Moins c’est incertain, plus je vois les choses comme elles sont
Exemple du Covid
Il existe différentes formes de perception sur moi même :
- Ce que je pense de moi
- Ce que je pense des autres
- Ce que je pense que les autres pensent de moi
Le phobique social est quelqu’un qui a systématiquement un sentiment négatif sur la pensée du 3ème ordre
En entreprise : important de comprendre la manière dont on réduit collectivement l’ambiguïté : existe t-il des formes communes ou pas
La manière dont nous réduisons l’ambiguïté du futur, du passé , des autres, conditionne notre fonctionnement
Ce n’est pas l’incertitude qui est problématique en soi mais bien le fait qu’on doit agir
2 La narration
On accepte que l’on existe depuis qu’on est né sans en avoir de preuves
Notre cerveau nous conte des histoires en se basant sur des a priori
Le doute c’est de ne pas croire , accepter les premières hypothèses que mon cerveau me donne
3 La décision
Nous fonctionnons de manière approximative et prédictive
Nous utilisons préférentiellement un mode heuristique : de la pensée automatique efficiente mais peu précise
Il existe 2 modes de pensée :
Cognition : ce que l’on pense
Metacognition : ce que l’on se voit penser
L’expérience peut assurer , diminuer l’incertitude sauf à aller trop loin
# Les biais cognitifs
Le biais du survivant : les avions anglais survivants pendant la guerre; où fallait-il les renforcer ? Autour des impacts de balles ou en dehors ?
Il faut penser à résister dans nos pensées et sentiments automatiques car des biais cognitifs, dont nous n'avons pas toujours conscience, affectent la prise de décision
Le biais de cadrage : comment on cadre la présentation des prix dans le marketing
Dark pattern
3 manières de persuader :
- le pathos : par l’émotion
- l'éthos :par la réputation
- le logos : par par la logique
Les 3 sont importants
Quand on a raison, on a tendance à vouloir confirmer ce qu’on croit alors qui faudrait au contraire voir ce qui ne marche pas
Connaissance -> croyance -> intention -> action
Avec des boucles de rétrocontrôle
#Plusieurs facteurs modulent ces heuristiques
- facteurs individuels :
Le stress module nos fonctionnements sur un registre de catastrophisation et d’hypervigilance
Food, fuck,fight,flight : les 4 actions dont on besoin les espèces pour survivre depuis la préhistoire
On préfère surreagir au stress que mourir : l'évolution nous a amené à intégrer des comportements de renforcement de notre protection face au danger que nous avons toujours en mémoire.
Depuis on est passé d’un monde où le stress (danger ) était physique à un monde où il est psychologique
Mais le pb est que notre mode de réaction, d’adaptation est encore physique
L’important n’est pas le stress sous pression mais la capacité de récupérer
Pour manger , boire , dormir nous avons construit des rythmes "action - récupération ", plus ou moins réguliers
Pour le stress nous acceptons de travailler 4-5 mois , de nous charger en stress, puis de récupérer une semaine : ç an e peut pas marcher. D'où un phénomène de fatigue générale.
- Facteurs collectifs
Les facteurs qui impactent la prise de décision :
1 les personnes qui décident n’ont pas de "skin in thé game" ou risquent de le perdre : pas impliquées
2 des informations asymétriques : pas les m^mes infos en fonction de sa position dans le système
3 des systemes qui sont dysfonctionnels par manque de chef d’orchestre : tous ont des infos mais personne ne les centralise ni ne coordonne l'action
# La solidité de notre raisonnement critique repose sur :
Capacités metacognitives
Compétences argumentatives
Compréhension epistemique du sujet
Difficile de tout faire
Une bonne façon de faire est de déléguer la construction de l’opinion et de bâtir la confiance
Chiasma.co
Qu’est-ce que réfléchir si ce n’est une façon élégante de dire de changer d’avis
Il ne sert à rien de contrôler ses biais cognitifs, c'est même dangereux car cela peut entraîner un sentiment de toute puissance et donc.. un nouveau biais.
Il faut cultiver le doute et apprendre à le questionner à l'inverse de ce que l'on pense automatiquement .