"Penser ce qui nous arrive." Hannah Arendt

mardi 5 avril 2022

Commentaires 98 Jung vu par Frédéric Lenoir 2/3

 

Jung est un des plus grands penseurs du XXème siècle et on toujours un peu de mal , surtout en France à s'en apercevoir, ce pourquoi Frédéric Lenoir lui a consacré un livre à la fois clair, pédagogique et brillant.

Après la rupture freudienne et une dizaine d'année de confrontation avec son inconscient , Jung va éprouvé au début des années 20 le besoin de voyager et de s'ouvrir à d'autres cultures de plus en plus lointaines, de l'Europe à l'Inde  en passant par les Etats Unis ou l'Afrique.

#Orient et alchimie : 

Il observe la société musulmane qui lui semble fondée sur l'éros, à la différence de la religion chrétienne davantage fondée sur le logos.

Avec les indiens Pueblos : "Les Blancs désirent toujours quelque chose, ils sont toujours inquiets , ne connaissent point le repos.Nous ne les comprenons pas, nous croyons qu'ils sont fous."

En Afrique , dans la savane : "C'était le silence du commencement éternel, le monde tel qu'il avait toujours été dans l'état de non être; car jusqu'à une période toute récente, personne n'était là pour savoir ce que c'était " ce monde".

A travers le bouddhisme il réalise cette affirmation que l'homme éclairé était le maître et le rédempteur des Dieux ( et non pas leur négateur stupide, comme le prétend la philosophie des Lumières).

"Tandis que l'Occidental veut parachever le sens du monde, l'Oriental s'efforce d'accomplir ce sens en l'homme.C'est l'affirmation de l'esprit en face de la matière."

"La conscience occidentale n'est en aucun cas la conscience tout court."

La découverte de la pensée orientale lui permet de développer une psychologie transculturelle jusqu'ici peu abordée.

C'est sa découverte de l'alchimie, de transmutation de la matière et de l'esprit  qui lui inspire le processus d'individuation : l'inconscient devient conscient sous la forme d'un processus de vie et de croissance.Les différentes opérations alchimiques sur la matière (l'oeuvre au noir, au blanc, au rouge)  lui apparaissent comme des étapes et des symboles profonds du processus d'individuation, c'est à dire des phénomènes successifs de transmutation de l'esprit pour parvenir jusqu'à l'union des contraires- le masculin et le féminin, l'esprit et la matière, le conscient et l'inconscient- que les alchimistes appellent noces alchimiques Jung réalisation du Soi.

#Le Sacré :

"Vocatus atque non vocatus deus adret " "Appelé on non appelé , Dieu sera présent." sera gravé sur la pierre tombale. Traduit également par :"Qu'on le veuille ou non , la question du divin s'impose."

 1 La fonction religieuse de la psyché : La question du divin est pour lui inscrite dans la psyché humaine.                 1/ Elle peut être présente dans le moi et dans  l'inconscient personnel de tout individu qui a reçu une éducation religieuse. 2/Elle nous imprègne également à travers l'histoire, les idées, les symboles, les rites et croyances de la civilisation3/ comme elle a imprégné les sociétés du passé, nous sommes tous marqués par la religion par des archétypes et symboles présent dans notre inconscient collectif

2 Le numineux : il va plus loin encore en proposant , comme ça lui est arrivé, que l'expérience psychique d'un bouleversement émotionnel en lien avec une force ou une puissance indéfinissable provoque cette expérience religieuse, touche l'âme. Pour lui (comme pour les romantiques) le religieux repose d'abord sur cette expérience.     Cette rencontre avec le mystère constitue une forme de transcendance ou d'altérité : l'être ressent de l'émerveillement ou de l'amour face au mystère, à la beauté et à la grandeur ineffables du monde.                          Le religieux comme "une attitude de la conscience qui a été transformée par l'expérience du numineux".              Les diverses confessions sont des formes codifiées et dogmatismes d'expériences d'origine religieuse.                             Là se situe le fossé avec les théologiens qui considèrent qu'elle repose sur la foi en révélation extérieure.           Pour Jung à l'image de Saint Paul, ce n'est pas l'effort intellectuel ou philosophique qui compte mais la puissance de l'expérience intérieure immédiate.  

Jung entend montrer l'utilité de la fonction religieuse, qui favorise la collaboration entre la psyché consciente  et la psyché inconsciente à travers l'expérience du numineux ou la pratique intériorisée des rites.Il constate que l'homme ressent la nécessité d'une vie symbolique qui permette aux besoins de l'âme de s'exprimer et que la pratique religieuse peut être source d'équilibre.                                                                                                                           L'homme a un besoin réel d'idées géniales qui donnent du sens à sa vie lui permettent de trouver une place dans l'univers.Il peut supporter bien des épreuves si il pense , qu'elles ont un sens mais il s'effondre lorsqu'à ses malheurs il lui faut ajouter celui de participer à "une histoire contée par un idiot".

3/Du Dieu extérieur au divin intérieur : "Dieu est mort" annonce le Zarathoustra de Nietzsche.Mais pour Jung ce n'est pas Dieu qui est mort mais l'image que nous avons de lui. Il est convaincu que la puissance des énergies divines reste active et que l'homme peut les rencontrer à travers l'expérience du numineux. Mais il s'agit d'une expérience ineffable. Maître Eckart : "je prie Dieu, qu'il me libère de Dieu."

Dieu est uenimage mentale doté d'une numinosité naturelle.Elle entre dans notre psyché comme "imago déi". De Dieu , on ne peut rien dire, simplement l'éprouver, en poser l'existence.                                                                   "Je n'ai pas dit, remarquez- le bien : il ya un Dieu. ""J'ai dit : Je n'ai plus besoin de croire en Dieu, je sais.Ce qui ne veut pas dire , je connais un certain Dieu(Zeus, Yahvé, Allah...) mais plutôt que je sais que je suis manifestement confronté avec un facteur inconnu en lui même que j'appelle Dieu" Cette expérience est toujours subjective et indicible."Je suis toujours prêt à partager mon expérience intérieure , mais jamais son interprétation métaphysique."

"Tout ce que les humains affirment sur Dieu n'est que bavardage; car nul ne peut connaître Dieu. Connaitre quelque chose , cela signifie en effet  le voir de telle façon que tous puissent le voir aussi, et affirmer une connaissance que je suis le seul à avoir, cela n'a pour moi absolument aucun sens."

4 Le christianisme

"Dieu est présenté comme totalement transcendant au monde et à l'homme , ce qui conduit à une soumission à une entité extérieure plutôt qu'à la rencontre dans l'âme à une puissance intérieure."

Pour Jung , l'homme Jésus est une personnification de l'archétype du soi

Il ne partage pas cette conception qui dénie toute réalité substantielle au mal car il la juge contraire à l'expérience que nous avons de la vie et du monde où le mal et le bien ne cessent de s'entrechoquer.         Si le mal est une illusion, alors le bien l'est aussi. Jung propose de le réintroduire dans la conception d'un dieu trinitaire qui deviendrait quaternaire.Alors le Père aurait-il deux fils , l'un exprimant la dimension du bien, qui s'incarnera en Jésus, et l'autre la dimension du mal, personnifiée par Satan. La figure d'un Dieu paradoxal est plus crédible que celle aimable et univoque du bon Dieu., qui ne rend pas compte d cela réalité complexe du monde et de l'âme humaine.

Pour toutes ses raisons il est convaincu que la tradition chrétienne doit se renouveler en profondeur si elle veut continuer à vivifier l'âme humaine et participer à l'évolution de la conscience. Comme il est persuadé que l'Occident ne pourra se passer du mythe chrétien , il l'invite à renaître dans une conscience élargie. Il suggère à l'Eglise de réintégrer dans sa théologie les grands courants de pensée qu'elle a jadis combattu : gnose antique, alchimie médiévale, les grands mystiques qui ont vécu et exprimé dans un langage paradoxal une expérience puissante et immédiate du divin en mettant l'accent sur le Dieu intérieur .