#Rendre disponible ou laisser advenir ?Le conflit fondamental illustré par 6 étapes de vie
- La Naissance : la planification et la réalisation du désir d'enfant : le fait d'avoir ou non un enfant n'est plus un "destin". La qualité génétique dos biologique de l'enfant : de nombreuses méthodes d'investigation permettent de voir si l'enfant correspond à notre désir; l'angoisse de l'accouchement grandit au même rythme que l'indisponibilité" et les risques perçus éprouvés comme une impuissance.
Il en va de même des dispositifs de sécurité : plus il ya de caméras de surveillance , de système d'alarme, moins les individus se sentent en sécurité.Cela sape la confiance que l'on a en sa propre efficacité.
- L'Éducation : l'évolution de l'enfant est suivi par toute une série de paramètres , d'examens médicaux qui relèvent d'un programme de monitoring.
Il existe une pression d'optimisation portant sur la quasi totalité des expressions de l'existence de l'enfant; toutes ces dimensions sont rendues mesurables afin de les optimiser.
Le développement des compétences par exemple de plus en plus mesurées par l"école alors qu'elles n'en sont pas le but final; l'éducation est un processus de transformation de l'enfant constant pour devenir une personne (ce qui passe par des compétences)
Les enseignes tiraillés au quotidien entre les exigences de disponibilité des autorités chargées de la formation, des résultats exprimés par les parents et le besoin de résonance des élèves sont parmi les professions où l'on compte le plus de burn out.
-La vie professionnelle : les jeunes adultes cherchent le plus souvent à prendre en main leur vie par le biais d'un plan de carrière et d'un projet familial. Pour l'un il s'agit d'articuler formation, expérience et recherche de travail. Pour l'autre c'est beaucoup plus difficile : on ne décide pas de quelle personne on va tomber amoureux. Pourtant de plus en plus de services ne ligne proposent des dating app pour contrôler, maîtriser la rencontre.
- La numérisation du rapport au monde : les techniques et processus numériques ont profondément transformé notre rapport au monde en rendant disponible la quasi totalité du monde accessible à notre conscience.
Le savoir nous est apporté par Google en quelques secondes.
Mais pas uniquement : les marchandises nous sont également accessibles, les gens qu'on aime sont visibles à tel point que la limite de disponibilité du monde n'est pas déterminée par la résistance du monde mais par les limites de notre attention et de notre bourse.
Notre propre personne devient peut être le plus important point d'agression dans le rapport moderne avec le monde.
Si nous voulons étendre les frontières du monde ,il nous faut commencer par nous optimiser nous mêmes et c'est ce que nous faisons avec le mouvement "quantified self".
L'objectif étant de mesurer toutes les expressions de vie et de les rendre disponibles : tension, pour, perte de calories, nombre de pas, phases de sommeil...On peut ainsi les étudier, comparer et les ...optimiser car impossible de ne pas vouloir faire mieux le lendemain lorsque l'on vous mesure votre nombre de pas au podomètre.
On succombe à un illusion en croyant que l'on ne se laisse pas inciter à transformer son comportement en fonction des données une fois qu'elle sont devenues disponibles.
- Le tourisme : comme contrepoint d'une vie professionnelle et familiale menée sur le mode du désespoir de la gestion du quotidien et de ses to do list.
La promesse des vacances est donc d'aller à la rencontre du monde sans obligation à gérer et nous laissant "toucher "pr le monde
Le problème est que nous n'avons peu de temps , un budget limité et le désir d'obtenir "contractuellement" ce que nous avons envie d'y trouver sans bouleversement imprévu , ni déstabilisation : d'où là aussi un sujet de tension familial et interpersonnel.
- L'age des soins : le caractère éphémère de la vie et la déchéance des corps constituent la limite la plus ferme du programme d'extension d l'accès au monde de la modernité. Là échouent tous nos efforts .Pourtant nous résistons, innovons et bataillons.
Ainsi la relation à la maladie est une vraie relation d'agression et là où nous ne pouvons pas gagner, nous faisons l'effet de ratés.Plus on combat la maladie, plus on s'empêcherait de vivre avec
- La mort :l'agonie est quelque chose que l'on cherche de plus en plus à contrôler ; on ne laisse plus la vie s'en aller de la personne, c'est à dire mourir;
#La dimension structurelle du conflit fondamental :
Le mode de stabilisation dynamique de la société impose en permanence une extension de notre accès au monde et du même coup un programme de mise à disposition illimité.
Nous rencontrons les choses sous le forme de ce qu'il faut savoir payer, dominer, acquérir, résoudre et nous avons l'application qui convient pour chacun de ces types de relation.
Mais cela veut aussi dire pour Adorno ou Rilke que nous ne faisons pas l'expérience des choses dans leur diversité phénoménale, nous ne les appréhendons que dans ce que nous avons rendu disponible en elles sur le plan conceptuel, technique , économique.
Il est nécessaire de réfléchir à la nature du désir.
#L'indisponibilité du désir et le désir indisponible
Si la modernité vise à rendre le monde disponible , cela vient avant tout à l'idée et à l'exigence de le rendre disponible pour notre libido. Nous n'en constatons pas moins que dans la manière dont nous menons notre vie nous ne sommes pas simplement guidés par notre désir ou nos envies.
Notre rapport au désir présente présente presque à l'état pur , toutes les caractéristiques d'une relation de résonance : il entre toujours et immédiatement en jeu lorsque nous sommes interpellés ou quand nous nous laissons affecter , nous y répondons physiquement, émotionnellement et mentalement, nous nous transformions en lui tandis que dans le même temps la structure du désir se modifie, se déplace.
La structure du désir se situe dans l'exigence de mettre à portée quelque chose qui ne l'est pas encore.
Le désir humain est avant out désir de relation : nous voulons atteindre ou rendre atteignable quelque chose qui ne l'est pas encore.
Le désir s'éteint lorsqu'il n'y a plus rien à découvrir sur ou avec le vis à vis que nous ma^trisons et contrôlons toutes ses propriétés, si nous en disposons totalement.
Une erreur fondamentale de la culture moderne tient au fait qu'elle transforme la nostalgie de l'atteignabilité (toujours auverte quant au résultat) en exigence de disponibilité (certaine) et qu'elle a institutionnalisé cette revendication dans le programme de l'extension de l'accès au monde;
Cette confusion trouve son expression la plus lourde dans la transposition d'un désir de relation fondamental chez l'être humain en un désir d'objet.
Un monde que l'on aurait rendu complètement disponible, serait pas seulement sans attrait mais aussi sans résonance ; il n'y aurait plus rien à désirer , le désir ne trouverait plus d'objet et pourtant notre besoin le plus fondamental d'un vis à vis responsif se trouverait insatisfait.
nombre d'indices suggèrent que la libido décline dans la société contemporaine si bien que certains parlent déjà d'une ère post émotionnelle et post sexuelle (Irène Berkel).
Mais des indices plus nombreux encore montrent que la frustration et la dépression augmentent en même temps que la déception qui s'exprime aussi politiquement , à l'égard du fait que la vie ne tient pas ses promesses, que la société moderne n'apporte pas ce que nous avions espéré: précisément ce que revendiquent les citoyens partout en colère, furieux avant tout.
Une critique de notre propre désir pourrait constituer une issue pour sortir du labyrinthe d'une société d'accroissement sans résonance.
#Le retour de l'indisponible sous forme de monstre :
Les processus de mise à disposition du monde ont un revers aussi puissant que paradoxal : à bien des égards, le monde de la vie dans la modernité tardive devient de plus en plus indisponible, opaque et incertain. Avec plus conséquence le retour de l'indisponibilité dans la vie concrète, mais sous une forme modifiée et angoissante comme une sorte de monstre que ce serait créé lui même.
Des choses dont nous avons pu disposer pendant des siècles se retrouvent brutalement hors d'atteinte : des serrures que nous ne pouvons plus ouvrir, des lumières que nous ne pouvons plus éteindre, des ordi au comportement totalement erratique, des mails qui n'arrivent jamais ou disparaissent, des tv qui s'allument tout seul...
La complexité technique n'est pas la seule à engendrer l'indisponibilité pratique, la complexité et la vitesse des processus sociaux provoquent elles aussi de l'indisponibilité.: le cours de la vie jusqu'alors prévisible, planifiante et au moins partiellement aménageable devient une course sur les vagues, aussi erratique qu'indisponible.
La disponibilité de principe transforme l'indisponibilité pratique en un montre inquiétant car les monstres sont des menaces qui nous guettent en permanence, mais que nous ne pouvons pas voir, ni rendre disponibles.
Des actes relevant du quotidien comme cuisiner, marcher, faire l'amour, chauffer, aérer le pièces, dont nous avons disposé en toute confiance pendant des siècles et qui étaient une source permanente de relation auto-efficace deviennent soudain des motifs d'incertitude et d'impuissance.
L'indisponibilité issue des processus d émise à disposition produit une aliénation radicale.Le programme moderne d'extension de l'accès au monde , qui a transformé ce dernier en un amoncellement de points d'agressions, produit donc de deux manières concomitantes la peur du mutisme du monde et de la perte du monde : là où tout est disponible d'une nouvelle manière, nous ne pouvons plus l'entendre parce qu'il n'est plus atteignable.