mardi 2 avril 2019

Commentaire 52 : Où atterrir ?(1/2)

J'ai envie de commencer par dire que c'est un livre que l'on attendait depuis un moment. Tout est dans son sous titre : comment s'orienter en politique.
C'est à cette insurmontable question à laquelle s'attaque Bruno Latour , non pas en politologue (ce qui l'aide) mais en sociologue et en philosophe, ce qui l'invite à un certaine prudence ou humilité et à  rechercher avant tout d'une méthodologie (plutôt qu'à tout expliquer), d'un processus pouvant aider chacun à répondre à cette question.
Son projet est de nous dresser la carte et la boussole du paysage politique : la carte des forces en présence; la boussole saisissant une nouvelle dynamique des enjeux et des affrontements.
#Un constat de départ : dans les années 90, après la chute du communisme va démarrer "subrepticement "une autre histoire , marquée par la dérégulation, l'explosion de plus en plus vertigineuse des inégalités et surtout une entreprise , de plus en plus importante de négation de la question climatique.
Tout se passe comme si une partie des classes dirigeantes étaient arrivées à la conclusion qu'il n'y avait plus de place pour tout le monde sur terre pour elles et le le reste des habitants/
=> comme si elles ne dirigeaient plus le monde mais s'étaient mises à l'abri du monde.
Son hypothèse est que l'on ne peut rien comprendre aux 50 dernières années, si l'on ne met pas de côté lamentée en puissance de la question du climat et surtout de sa dénégation.
Nous sommes entrés dans un Nouveau Régime Climatique.
Pour résister à cette perte d'orientation commune , il faut savoir comment s'orienter.

#Le retrait de l'accord de Paris sur le climat de Donald Trump a apporté un formidable retentissement à celui ci et déclenché une guerre des positions: le président américain apporte par son déni de la cause climat, l'abandon de toute capacité à se mobiliser pour une cause commune et une répartition d cela terre en plusieurs parties.
Le vote sur le Brexit marque la décision de la majeure partie des britanniques de ne plus jouer le jeu de la mondialisation.
La reprise et l'amplification des migrations...
tous ces phénomènes marquent l'existence d'un problème majeur, que nous pouvons soit choisir de continuer à dénier, soit choisir de chercher à atterrir et de le traiter politiquement.

Migrations, explosion des inégalités, migrations et Nouveau régime climatique, il s'agit de la même menace. Le droit le plus élémentaire est de se sentir protégé, surtout au moment où les anciennes protections sont en train de disparaitre.

#Depuis 50 ans, ce que l'on appelle globalisation ou mondialisation, désigne en fait deux phénomènes opposés, que l'on a systématiquement confondus : passer d'un pont de vue local à un point de vue mondial veut dire que l'on multiplie les points de vue; hors c'est tout l'inverse, on impose une vision unique tout à fait provincial.
Cette mondialisation moins (opposée à une mondialisation plus, ouverte et enrichissante) va entrainer l'invention du réactionnaire au point où au cri de guerre "modernisez vous" , beaucoup entendent : toute résistance à la mondialisation sera frappé d'illégitimité.
Refuser la mondialisation c'est peut être un réflexe de puerez d'ambition mais c'est aussi résister et refuser de troquer sa province pour une autre NY, Paris ou Pékin.

De toute façon un événement majeur est venu contester le grand projet de modernisation : La terre n'est pas capable d'accueillir son idéal de progrès, d'émancipation et de développement.

#Cette question des limites est connue les années 80, mais n'a pas été reçue par les élites qui en ont tirées deux conséquences : 1/ il va falloir payer cher le retournement, mais les pots cassés ce sont eux qui les paieront, pas nous.2/nous allons nier le plus longtemps possible cette vérité du Nouveau Régime Climatique.
Les  élites ont été si bien convaincues ,qu'elles ont décidé de liquider au plus vite "tous les fardeaux de la solidarité".
Ils ont également compris qu'il ne fallait plus faire semblant ,même en rêve, de partager la terre avec le reste du monde.
Ce que je considère comme très important : une sorte de blocage de l'émergence de tout nouveau récit porteur de nouvelle utopie en la matière. Il est vrai que le cinéma est plus porté par des récits de gestion de crise ,que de de renouveau utopique.Une sorte de moment noétique.
D'où des réactions dès les années 90 ou élites d'un côté et laissés-pour-compte de l'autre se sont respectivement repliés dans des gated-communities.

#Les élites obscurcissantes ayant pris les menaces au sérieux , ayant compris que leur domination était menacée, auraient décidé de démanteler l'idéologie d'une planète commune à tous.
Elles sont passées au déni, ce qui parait invraisemblable, limite théorie du complot, mais le climato négationisme est justement devenu central à cette politique.

#Nous étions partagés jusque là entre deux injonctions contradictoires : en avant vers l'idéal de progrès; en arrière vers le retour aux certitudes anciennes et ce tiraillement nous allait assez bien finalement : le monde avait un sens.
Les deux at tracteurs s'étant tellement éloignés, on n'a même plus le loisir comme avant d'hésiter entre les deux.A la place des tensions, nous avons maintenant le gouffre.
Il n'y plus d'horizon partagé.
Tout se passe comme si un 3ième attracteur était venu détourner, détourner tous les sujets de conflit, rendant toute orientation impossible sur l'ancien axe.

#Tout se passe comme si Trump était l'inventeur d'un 4ième attracteur : le hors sol.
L'horizon de celui qui n'appartient plus aux réalités d'une terre qui réagirait à ses actions.
Pour la 1ière fois le climato-négationisme définit l'orientation publique d'un pays.
L'état est honni, l'individu est roi, ce qui compte c'est de gagner du temps en relâchant toutes les contraintes avant que le peuple ne s'en aperçoive.
L'originalité de Trump, un savant mélange de fuit en avant pour les riches, vers le profit maximum en abandonnant le reste du monde à son sort; la fuite en arrière de tout un peuple vers le retour aux catégories nationales ou ethniques.
Tout cela ne tient qu'en restant indifférent au Nouveau Régime Climatique; ce qui compte, c'est de ne plus avoir à partager avec les autres le monde, de se mettre off shore
Cela définit le 1ier gouvernement totalement orienté sur les questions écologiques, mais à l'envers, par rejet!
Cette politique est l'importation d'un mécanisme bien connu dans la gestion frauduleuse des entreprises : la cavalerie, portée par un homme qui est allé de faillite en faillite et est devenu célèbre par la télé réalité.

#Comment définir ce troisième attracteur ?
Le terrestre, comme nouvel acteur politique.
Toute la désorientation actuelle provient du surgissement d'un acteur qui réagit désormais aux actions des hommes et interdit aux modernisateurs de savoir où ils se trouvent, dans quelle époque et surtout quel rôle ,ils doivent désormais jouer.
Tant que la terre restait stable, on pouvait parler d'espace et se situer à l'intérieur de cet espace et sur une portion de territoire que nous prétendions occuper.
Mais comment faire si le territoire se met à participer à l'histoire ?
Résumons :
A1 : marcher vers le global c'était marcher vers le nouveau monde, pousser devant soi une frontière sans limite.
A2 : ou au contraire dans l'autre sens, le local , c'était l'espoir de retrouver la sécurité d'une frontière stable et d'une identité assurée.
A3 : le terrestre est un nouveau monde, mais pas celui des modernes, un monde peuplé des homes et de la terre où les humains ne sont plus les seuls acteurs, tout en se voyant confier un rôle trop important pour eux : jamais les humains n'ont eu une telle responsabilité.
On ne mesure pas le vide politique, si on n'évalue pas la situation sans précédent.