La neige est littéralement la forme pour la manifestation de l'indisponible :nous ne pouvons pas entrainer sa chute ou dicter sa venue, pas même la planifier à l'avance avec certitude.
Le drame du rapport moderne au monde se reflète dans notre rapport à la neige comme dans une boule de cristal . L'élément culturel moteur est cette l'idée de rendre le monde disponible alors que la vitalité , le contact et l'expérience naissent de la rencontre avec l'indisponible.
La vie s'accomplit dans l'interaction entre ce qui est disponible et ce qui tout en restant indisponible pour nous , nous regarde pourtant.
Pourquoi les gens vont-ils au stade? continuent -ils à regarder des maths à la tv ? Parce qu'ils ne savant pas comment ça se finit.
L'hypothèse d'Harmut Rosa est que les membres de la modernité tardive vivent sur tous les plans -individuel, culturel, institutionnel et structurel - la mise à disposition du monde , le monde nous fait faire face sous forme de point d'agression , c'est à dire d'objets qu'il s'agit de connaître,d'atteindre , de conquérir , de dominer ou d'utiliser et c'est précisément en cela que la vie ce qui constitue l'expérience de la vitalité et de la rencontre - ce qui permet le résonance- , que la vie donc semble se dérober , ce qui à son tour débouche sur la peur, la frustration, la colère et même le désespoir ,qui s'expriment ensuite entre autres dans un comportement politique impuissant fondé sur l'agression.
# Le monde comme point d'agression :
Pour les sujets de la modernité tardive le monde est purement et simplement devenu le point d'agression : tout ce qui apparait doit être connu, dominé, conquis, rendu utilisable .
Dans notre rapport au corps , tout ce que nos en percevons a tendance à être placé sous la pression de l'optimisation: poids, rides, tension, glycémie...
Dans notre vie , il s'agit d'escalader des montagnes, de réussir des examens, de progresser dans la carrière...
La vie quotidienne se concentre et épuise de plus en plus dans le traitement de to do lists exponentielles . N'en at-il pas toujours été ainsi ?
Cette normalisation d'un rapport agressif au monde est le résultat d'une formation sociale qui s'est développée sur tous siècles , formation qui se fonde structurellement , sur le principe d'une stabilisation dynamique , culturellement sur celui d'une augmentation continuelle de sa portée.
Depuis le XVIII° siècle s'accomplit à tous les niveaux de la vie institutionnelle de la modernité occidentale, une mutation structurelle à la suite de laquelle la structure institutionnelle fondamentale ne peut plus être maintenue que par une augmentation constante.
Une société est moderne si elle n'est en mesure de se stabiliser que de façon dynamique ,c'est à dire si elle a besoin pour maintenir son statut quo institutionnel de la croissance (économique), de l'accélération (technique) et de l'innovation (culturelle) constante.
Parce qu'elles ne peuvent se stabiliser que sur le mode de l'accroissement, les sociétés modernes sont structurellement et et institutionnellement contraintes rendre toujours plus de monde disponible, de la mettre à la portée par la technique , l'économie et la politique.
La peur du décrochage et la promesse de l'extension de notre accès au monde sont ainsi les deux faces principales qui guident nos vies.
Ce qui importe dans la vie c'est de rendre le monde atteignable.
Nous sommes contraints structurellement et poussés culturellement à faire du monde le point d'agression; il nous apparait comme ce qu'il convient de savoir, d'explorer, atteindre, de s'approprier, de maîtriser et de contrôler.
# 4 dimensions de l'indisponibilité :
Ce n'est pas un processus homogène mais constitué de 4 dimensions :
- Rendre disponible = rendre visible , étendre notre connaissance à ce qui est là
- Rendre disponible = rendre atteignable ou accessible (lune en fusée)
- Rendre disponible = rendre sous contrôle un fragment du monde (innovations techniques)
- Rendre disponible = rendre utilisable ou mettre en service, ce qui est là est transformé en matériau (politique et promesses électorales)
# Le revers paradoxal : le recul énigmatique du monde :
Sa thèse est que non seulement ce programme de mise à disposition du monde ne fonctionne pas , mais il bascule en son contraire : le monde semble de plus en plus se dérober et se fermer à nous de façon mystérieuse.
Il se révèle à la fois menacé et menaçant et donc au bout du compte il apparait indisponible.
La perte du monde serait la peur fondamentale et élémentaire et constitutive de la modernité.
# Le monde comme point de résonance :
L'accomplissement culturel de la modernité est précisément d'avoir perfectionné l'aptitude humaine à mettre le monde à distance et à y ouvrir un accès permettant de la manipuler.
Cette forme de relation au monde agressive et créatrice semble primordiale.
L'agression comme relation au monde devient problématique à partir du moment où elle se transforme en mode fondamental de toute manifestation de la vie parce qu'elle méconnait le fait que sujet et monde ne se présentent pas d'emblée comme deux entités indépendantes mais qu'ils émanent d'abord de leurs interactions et de leur attachement mutuel.
Le fondamental n'est pas de disposer des choses mais d'entrer en résonance avec elles ; un mode de relation avec 4 caractéristiques : 1/le moment du contact 2/ le moment de la réponse 3/ le moment de la transformation 4/le moment de l'indisponibilité.
Les effets de transformation d'une relation de résonance échappent constamment et inévitablement au contrôle et à la planification du sujet : on ne peut ni les calculer, ni les maîtriser.
Cette relation s'inscrit donc dans un rapport de tension fondamental avec la logique sociale de l'augmentation et de l'optimisation incessante.
La modernité est portée, poussée à rendre le monde à tout point de vue calculable, maitrisable, prévisible et disponible .
La résonance elle ne se laisse pas rendre disponible : la réside la grande source d'agacement , sa contradiction fondamentale , ce qui produit des variantes toujours nouvelles, des citoyens en colère.