Un livre assez indispensable sur l'approche de la catastrophe écologique : quel est ou pourrait être le rôle de la science dans ce combat ? Un livre en deux parties : 1- déconstruction du mythe scientifique 2 - l'hypothèse K ou comment penser un nouveau rapport entre science et technique.
1- Déconstruction du mythe scientifique
# Tout d'abord Aurélien Barreau plante le décor : le drame écologique n'est ni un une crise climatique, ni un délitement social mais bien une catastrophe civilisationnelle . A la fois effondrement de la vie et perte de sens. Ni plus, ni moins. La science en atteste et le démontre de façon indiscutable aujourd'hui : les populations animales s'effondrent, les végétaux sont en grand stress, les fonds marins et leurs écosystèmes dévastés, les mégafeux se répandent dans le monde. Elle permet également de comprendre que le réchauffement climatique n'est qu'une petite partie du problème , une conséquence plutôt qu'une cause de notre système de transformation du réel en déchets. Se focaliser dessus n'est qu'un moyen de se rassurer car la crise est fondamentalement systémique. La physique permet ainsi de comprendre que les déchets de dioxyde de carbone émis sont si nombreux , qu'ils sont à l'échelle humaine, "définitivement présents".
# Le constat est scientifiquement établi (et presque plus contesté) : les énergies fossiles commençant à se raréfier , il y aura inévitablement décroissance (au sens économique) . Si cette décroissance imposée n'est pas associée à une volonté déterminée de réduire et réorienter la consommation, la catastrophe sera totale : écologique et sociale. Il n'est donc pas possible d'augmenter le PIB et d'en diminuer les méfaits sur l'environnement.
# Si la science permet de mesurer, prédire avec un certain degré de fiabilité cette catastrophe , elle ne constitue qu'une manière parmi d'autres de faire un monde. Ni les symphonies de Mozart, ni les poèmes de Villon ou la prose de Proust ne s'appuie sur elle. Elle demeure muette quant à ce qui est désiré. Toute puissante quand il s'agit d'améliorer le fonctionnement, elle a beaucoup plus de mal quand i'l s'agit d'en changer le but et non plus seulement de gagner la partie. Elle est démunie quant à la bonne direction à choisir. Et attention car la dimension scientifique d'un objet lui confère dans nos sociétés une sorte de valeur magique . La science permet d'atténuer certaines conséquences d'innovations techniques (aujourd'hui l'IA) mais demeure muette quand il s'agit de penser l'effondrement de notre puissance d'être, indépendamment de tout usage délictueux ou mal intentionné. L'efficacité de notre civilisation à effacer l'altérité est sans équivalent.
Tout détruire et tout raser, exterminer les espèces, brûler les forets et préparer les guerres ns constituent pas une erreur scientifique. Il fait modifier le carcan axiologique voire ontologique. La science n'est pas coupable de tous nos maux mais a partie liée avec une vaste entreprise de chosification.Le recours systématisé à l'argument d'autorité scientifique est dramatique car l'essentiel des problèmes que nous traversons ne sont pas scientifiques. La science est "instrumentalisée" , a ses accointances avec la classe dominante , est aux commandes et se profile une société technocratique sans visée et sans désir, sans intention et sans projet. La question : comment infléchir la science pour la rendre vertueuse?
# Nous sommes malades du logos : superbe logos qui a ouvert les portes de la rationalité. Mais aussi terrible logos qui a desséché et binarité les modes et les mondes de l'Etre à l'autre. La modernité occidentale se situe au coeur d'une alliance de fait entre science et technique . A l'évidence le développement tumoral de la technique constitue un des moteurs les plus dévastateurs de la catastrophe en cours, ce vers quoi nous nous tournons sans la moindre interrogation pour résoudre la catastrophe en cours. Si la science est axiologiquement neutre , elles se trouve ontologiquement engagée.
#Depuis des déceenies tous les champs cognitifs ou presque se revendiquent comme scientifiques. C'est le gage de sérieux, comme si tout se réduisait à elle . A quand le littérature ou la musique scientifique? Comme si la vérité, qui vient de la mémoire et non de la rectitude se réduisait à elle. Mais s'il s'agit de comparer des conséquence de la catastrophe en terme de privations. Ne peut -on opposer la liberté de disposer d'eau potable, de disposer d' un air respirable d'une partie de l'humanité à celui de jouir de luxes et d'addictions d'une autre partie.
# Quelque chose a été manqué : l'extraordinaire puissance révolutionnaire de la science (le mot vient de Copernic) fut travestie et délaissée. La désimpérialiser, lui redonner sa puissance révolutionnaire, la changer d'axe., pour lui faire redéfinir le monde. Le rôle essentiel de la science consiste "à inventer des êtres nouveaux "Bruno Latour.
2 - l'hypothèse K ou comment penser un nouveau rapport entre science et technique.
#L'occident n'a pas oublié la transcendance. Il a fait pire, il a transcendantalisé son immanence.
#Si prométhée est triste, plus que la colère de Zeus, que la bêtise des humains, c'est de n'avoir pas compris la dynamique propre de son joyau : d'avoir cru que l'outil n'était qu'un outil, d'avoir négligé l'autonomie de la technique .
#Si nous ne vivons pas sour la domination des Terminator, ne sommes pas les esclaves de ski net, une certaine indépendance technique aux conséquences délatrices s'est lentement déployée. Le pullulement technique est devenu l'un des facteurs essentiels de l'effondrement des conditions d'habitabilité, En un sens , nous sommes devenus les hôtes consentant d'un processus qui nous dépasse largement. Des machines construisent des machines, des programmes conçoivent des programmes.
# Nous sommes partiellement devenus les esclaves - au moins les serviteurs - d'un processus expressément parasitaire.
# L'hypothèse K : un développement littéralement cancéreux de la production technique . Mutation, métastases , prolifération, les cellules malignes vivent leur propre mécanisme de sélection.Elles échappent à l'homéostasie comme à la sénescence. Une sorte de méta Nacer, qu'il s'agit d'affronter.
Penser le développement technique comme un processus métastatique : le prométhome.
Il est évident qu'il n'est ni utile , ni souhaitable de détruire les machines.
L'oncologie nous apprend que face à un ennemi de cette taille il n'existe aucune solution simple et unique.Il ne suffit pas de traiter les effets. Tout autre chose est nécessaire. Ol s'agit de reconsidérer notre finitude , nous ne sommes pas Dieu. Décroitre n'est pas mourir. Habiter poétiquement le monde.
La science attend d'être pensée et non plus utilisée.