jeudi 25 février 2021

Commentaires 95 : Bruno Latour

 

De quoi le confinement est-il la répétition générale ?                                                                              Plus le confinement dure, plus il me parait révélateur, comme on dit "du monde d'après". Littéralement. Quand on en sortira, on ne sera plus dans le même monde, c'est du moins mon hypothèse..En effet la pandémie est belle et bien encastrée dans la crise plus ancienne, plus ancienne , plus longue , plus définitive de la situation écologique.Vous me direz, on le savait .Oui mais il nous manquait l'expérience corporelle de cet enchaînement. Qu'est-ce que ça veut dire de changer de lieu ? Une lieu qui n'est plus ouvert , infini mais justement limité, confiné et où il faudra vivre dorénavant.                                              Donc oui pour moi le confinement est une expérience de déplacement au sens propre, de changement de place. Et c'est bel et bien une répétition générale en espérant que cela se passe mieux la prochaine fois .

Vous passez de la question "Où atterrir ?" à la question "Où suis-je ?" .Pour quelle raison?        Justement à cause de ce changement de localisation.Je ne me demande pas "qui" je suis , mais "ou" nous nous retrouvons. Et je repère ce déplacement dans les sciences de la terre, ou plutôt dans une nouvelle façon de lier les sciences du système Terre à la condition politique imposée par le confinement, médical d'abord puis par le confinement.

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Pourquoi la question "De qui est-ce je dépends pour subsister ?" est elle la plus pertinente pour repenser notre rapport au territoire ?                                                                                                 ...Donc d'un seul coup la question n'est plus de savoir si nous avons assez de ressources à exploiter pour continuer comme avant mais "comment participer au maintien de l'habitabilité du territoire dont nous dépendons?". Cela change complètement le rapport au sol. C'est cela atterrir.

... 

in Le Monde 13/02/2021, entretien Bruno Latour par Nicolas Truong

mardi 16 février 2021

Lexique 264 : contempler

 


"Tant de mains aujourd'hui pour bouleverser le monde et si peu de regards pour le contempler"            Julien Gracq.

jeudi 11 février 2021

Expression 23 : Ensauvagement ou réensauvagement ?


 L'ensauvagement est un terme polysémique actuellement en pleine évolution, révélateur des ruptures d'enjeux de nos sociétés et d'un glissement des préoccupations autocentrés sur  l'humain vers celles élargies au vivant .                                                                                                                                        Dans le sillage de Jean Pierre Chevènement , Ministre de l'Intérieur, désignant en 1999 les délinquants urbains par le terme de "sauvageons"', la notion d'ensauvagement va apparaitre quelques années plus tard dans le vocabulaire social de la droite pour dénoncer les violences urbaines à mesure de leur augmentation dans les statistiques et sans que l'on sache leur apporter de définition très précise. 

Actuellement c'est le terme de réensauvagement qui fait son apparition en plein confinement urbain, c'est à dire l'idée de faire plus de place à la nature, au vivant au sauvage dans le monde urbain et ce précisément au moment, comme le dit Bruno Latour où "il ne faut jamais gâcher une crise" c'est à dire en saisir de façon opportune tout son poids en opportunités. Ainsi les auteurs Béatrice Kremer-Cochet et Gilbert Cochet , qui dans l'Europe réensauvagée, (Actes sud 2020) plaident pour le retour du bison familier de nos plaines européenne depuis la préhistoire et disparu de l'état sauvage en 1927.Désormais protégé puis réintroduit sa population aurait bondi de 230% depuis l'an 2000.

Le rénsauvagement touche aussi bien les campagnes que les villes ou les forêts , l'animal que le végétal avec partout la même idée : réintroduire la biodiversité en laissant faire la nature , en arrêtant de chercher à réguler les espèces animales ou végétales . o

mardi 9 février 2021

Lexique 263 Rome


Rome, par une loi qui ne se peut changer,
N'admet avec son sang aucun sang étranger,
Et ne reconnaît point les fruits illégitimes
Qui naissent d'un hymen contraire à ses maximes. (Paulin, acte II, scène 2)

(Programme de Bérénice de la Comédie-Française, représentée à Luçon le 15 avril 2011, p.4-5) » 

vendredi 5 février 2021

APM 27 : Le management en temps de crise

La crise actuelle sanitaire actuelle provoque de nombreuses secousses dans tous les compartiments de la société .Santé, économie, travail, culture , famille toutes ces structures sont aujourd'hui ébranlées et en prise à différents phénomènes sociaux avec lesquels les "organisateurs", leaders, managers doivent composer. C'est ce thème qu'a brillamment développé Michel Calef , universitaire et consultant lors de da sa conférence au club APM Saint James du 21 janvier dernier.

La question : quelles sont les mutations dans le management que la crise COVID nous permet d’observer ?

#Ce que provoque une crise ? Deux phénomènes différents dans la structuration de nos perceptions et comportements augmentent en simultanée :
  • De la diffraction  : l'individu raisonne de plus en plus à partir de lui, ce qui éloigne 
  • De la massification : l'individu raisonne de plus en généralisant, ce qui rapproche 
Faire les  deux à la fois ou en même temps caractérise une crise 
Le risque principal est que ces comportements deviennent excessifs
Excessifs au point de devenir pathologiques : c'est à dire de nuire aux autres.
La question du manager est de comprendre comment cela fonctionne, de repérer les indicateurs dysfonctionnels avant qu'ils ne deviennent pathologiques et, bien sur,  d'y apporter des réponses.
Pour cela il peut être intéressant d'établir une cartographie des 3 états : équilibré – excessif – pathologique et de la suivre dan le types 

La peur créée de la massification et donc comment diminuer ses effets  dans un contexte qui ne change pas est une vraie question.

Manager en temps de crise c'est donc veiller à maintenir un état d'équilibre

Regarder ainsi le management c’est refuser toute position idéologique  à priori et se poser les questions de la pertinence, de l’excès ou de la pathologie de l’homme dans son système relationnel.

On ne peut pas gérer à la fois la difraction et la massification : on ne peut gérer qu'une chose à la fois (grande loi du management )

#Comment lutter contre la diffraction ou l'individualisation  ?

Organiser des routines, des rituels, donner du sens
Donner du sens à plusieurs dimensions :
- le temps, le traduire  en étapes 
- le pourquoi , la raison d'être de ce que l'on fait 
- à quoi tu sers,quoi ça va servir (sentiment d’être utile)

Prendre aussi en compte ce qui est exogène et endogène (expliquer ce qui dépend de la personne et ce qui ne dépend pas de lui) – repérer ce qui « se cachent » derrière des causes endogènes et les questionner

En tant que dirigeant je dois créer une dimension émotionnelle pour mettre en mouvement : percevoir les peurs, les incertitudes POUR lutter contre la difraction (organiser le partage d’expérience émotionnelle 

-> Outil : demander aux N+1 de faire un email tous les trimestres : qu’est-ce que tu as appris émotionnellement et intellectuellement ? / Que reste t-il de ce que tu as fait ?                                      Ça leur donne l’occasion de se rendre compte de ce qu’ils ont acquis et ça contribue à donner du sens / de l’estime.

 -> Outil : la fixation d’objectifs est vitale (précis : Actions – Résultats – Délais).

#Comment lutter contre la massification  ?

Pour la diminuer il faut baisser la peur donc la prendre en compte, l’écouter la reconnaître -> reformuler positivement en extrayant les sujets sous-jacents. 

-> Outil : dans chaque message écouter / identifier les 4 niveaux qui sont toujours présents : FAITS – EMOTIONS – OPINIONS – SUGGESTIONS

 -> Outil : si un collaborateur propose une idée : lui demander « quels risques j’ai à l’appliquer » : ainsi on achète une idée en connaissant son prix !

jeudi 4 février 2021

Lexique 262 : La guerre


 "Cette guerre n'est pas la dernière.Elle n'a pas changé les hommes... Les haines séculières se réanimeront et, un jour, les peuples se précipiteront à nouveau les uns contre les autres."                                                  in Mémoires  ,Charles de Gaulle, La Pléiade  2020

mardi 2 février 2021

Citation 123 : Daniel Kehlmann

 


"Quelque chose a changé : le vent continue de murmurer ,les feuilles de bouger l'âne a le ventre qui gargouille ,mais ce n'est pas lié au temps. Autrefois c'était le présenter maintenant c'est le présent et dans le futur , quand tout aura changé, qu'il y aura d'autres hommes et que personne sauf Dieu se souviendra de lui ni d'Agnat, ni de Claus, ni du moulin, même là ce sera toujours le présent."                                                                                                                                             
in Le roman de Tyll Ulespiègle ,Daniel Kehlmann Editions Actes Sud 2020

lundi 1 février 2021

L'inattendu d'Edgard Morin

 


′′J 'ai été surpris par la pandémie mais dans ma vie, j'ai l'habitude de voir arriver l'inattendu. L 'arrivée de Hitler a été inattendue pour tout le monde. Le pacte germano-soviétique était inattendu et incroyable. Le début de la guerre d'Algérie a été inattendu. Je n'ai vécu que pour l'inattendu et l'habitude des crises. En ce sens, je vis une nouvelle crise énorme mais qui a toutes les caractéristiques de la crise. C 'est-à-dire que d'un côté suscite l'imagination créative et suscite des peurs et des régressions mentales. Nous recherchons tous le salut providentiel, mais nous ne savons pas comment.

Il faut apprendre que dans l'histoire, l'inattendu se produit et se reproduira. Nous pensions vivre des certitudes, des statistiques, des prévisions, et à l'idée que tout était stable, alors que tout commençait déjà à entrer en crise. On ne s'en est pas rendu compte. Nous devons apprendre à vivre avec l'incertitude, c'est-à-dire avoir le courage d'affronter, d'être prêt à résister aux forces négatives.
La crise nous rend plus fous et plus sages. Une chose et une autre. La plupart des gens perdent la tête et d'autres deviennent plus lucides. La crise favorise les forces les plus contraires. Je souhaite que ce soient les forces créatives, les forces lucides et celles qui recherchent un nouveau chemin, celles qui s'imposent, même si elles sont encore très dispersées et faibles. Nous pouvons nous indigner à juste titre mais ne devons pas nous enfermer dans l'indignation.
Il y a quelque chose que nous oublions : il y a vingt ans, un processus de dégradation a commencé dans le monde. La crise de la démocratie n'est pas seulement en Amérique latine, mais aussi dans les pays européens. La maîtrise du profit illimité qui contrôle tout est dans tous les pays. Idem la crise écologique. L ' esprit doit faire face aux crises pour les maîtriser et les dépasser. Sinon nous sommes ses victimes.
Nous voyons aujourd'hui s'installer les éléments d'un totalitarisme. Celui-ci n'a plus rien à voir avec celui du siècle dernier. Mais nous avons tous les moyens de surveillance de drones, de téléphones portables, de reconnaissance faciale. Il y a tous les moyens pour surgir un totalitarisme de surveillance. Le problème est d'empêcher ces éléments de se réunir pour créer une société totalitaire et invivable pour nous.
À la veille de mes 100 ans, que puis-je souhaiter ? Je souhaite force, courage et lucidité. Nous avons besoin de vivre dans des petites oasis de vie et de fraternité."
Edgar Morin. à France Info, 07/01/2021