Accélération : ou comment définir notre monde post moderne par une transformation du temps
Commentaires sur le livre de Hartmut Rosa, sociologue et philosophe allemand, auteur de Accélération La Découverte 2011.
Les formes de l'inertie à l'accélération :
1 Limites naturelles de la vitesse : il existe d'évidentes limites physique, biologique, anthropologique dont la vitesse et la durée ne peuvent être changées
Ex :limites de la vitesse du cerveau (processus perceptifs), du corps (temps nécessaire pour surmonter une maladie ; temps nécessaire au renouvellement des matières 1ières; capacité de l'écosystème à recycler les déchets;en agriculture durée de processus d'élevage (poulets)
Cependant il faut être prudent avant d'arrêter une vitesse absolue : l'histoire des voyages en train illustre l'appréhension et le recul des limites; les tiers passagers étaient persuadé de toucher la limite de vitesse que le corps humain était susceptible d'endurer.
Grace au train de nouvelles formes de perception sont nées, une nouvelle relation à l'espace s'est développée.
De même certaines formes de jazz des années 20 furent ressenties comme frénétiques, d'une grande vitesse (idem l'écriture de Blaise Cendrars )
Question : La peur actuelle d'une nouvelle vague d'accélération (cf MIchel Serres) , d'une augmentation du volume des informations et des stimuli, de leur fréquence est elle la réaction culturelle connue à une poussée d'accélération ou l'indication de l'atteinte de limites anthropologiques, sociales ou écologiques.
2Les ilots de décélération: il existe également des niches territoriales de décélération où le tems semble s'arrêter : comme les Amish; ces groupes vont ils se multiplier ?
3 Le ralentissement comme contrecoup dysfonctionnel : l'exemple le plus évident est celais de la vitesse de déplacement automobile qui ne cesse de décroitre en raison de l'augmentation constante du trafic; exemple également de destruction d'emplois quand ils sont liés à l'augmentation de la productivité
4Les formes de décélération intentionnelle : souvent motivés idéologiquement en faveur d'une décélération consciente et d'un ralentissement social
- la décélération comme idéologie : P. Glotz fait l'hypothèse que "la décélération serait l'idéologie agressive d'une classe émergente et toujours plus nombreuse de victimes de la modernisation et qu'elle serait en passe de remplacer les idéologies d'inspiration socialiste
(à transposer sur la "dé ou re "composition du paysage politique français ou à un bloc de moins en moins opposé centre droit-centre gauche s'opposent des mouvements plus radicaux à gauche comme à droite)
- la décélération comme stratégie de l'accélération : des stratégies de ralentissement qui peuvent parfois constituer des conditions indispensables pour permettre d'accélérer d'autres processus; ainsi sur le plan personnel le dirigeant qui fait une retraite dans un monastère ou de la méditation, du yoga, ralentissent leur rythme de vie professionnelle le temps de l'exercice pour pouvoir être plus efficace dans leur quotidien. Sur le plan collectif c'est le cas des moratoires permettant de gagner du temps pour résoudre des problèmes techniques, juridiques ou sociaux qui semblent faire obstacle à d'autres tentatives d'accélération ou de modernisation : la fixation institutionnelle et la garantie de permanence des conditions structurelles sont des conditions du succès de l'accélération (droit, mécanisme de gouvernance politique, régime stable du temps de travail, ..)
A contrario l'érosion de ces institutions pourrait détruire les conditions de possibilité de cette nouvelle dynamique ainsi que la stabilité de la société moderne avancée dans son ensemble et mettre en péril le projet ; ce que J.Schumpeter appelle le déchainement du "marché total".
La stabilité et la garantie d'un certain nombre de points fixes culturels sont la condition d'une reproduction culturelle efficace même et particulièrement dans le cadre d'un changement social flexible et accéléré
(peut être la raison pour laquelle les gouvernements de gauche parviennent souvent mieux à gérer les transformations sociales)
5 Pétrification culturelle et structurelle : très liés aux phénomènes d'accélération, ils donnent lieu à des théorises comme celle de la fin de l'histoire, de l'épuisement des énergies utopiques..qui postulent que parallèlement à un constat d'accélération du changement social ,l'évolution interne de la société est en proie à la paralysie.
Ces théories se fondent sur l'idée que malgré des apparences d'ouverture et de changement les structures profondes de la société se solidifient et se pétrifient .
La question est de savoir si actuellement les forces de l'inertie et du mouvement s'équilibrent, autrement dit si aucune des deux ne prend le dessus.
Sa réponse est oui il y a déséquilibre et aucune des forces de l'inertie ne présente un contrepoids structurel et culturel équivalent à la dynamique d'accélération de la modernité.