vendredi 17 février 2023

APM 34 Le management de négociations complexes

 


Christophe Caupenne, ancien du Raid et de la PJ, spécialiste de la négociation. Il a construit et géré cette expertise pour le Raid puis à l’Université dans un Master réservé aux services d’élite. Arrivé à une période ou le Raid passait à l’action dans 80% de ses interventions, il a contribué à renverser ce chiffre, puisque désormais 80 % des « affaires » se terminent par une négociation. 

Il transmet cette expertise depuis quelques années dans le monde de l’entreprise.

 

En matière judiciaire, c’est face aux enquêteurs d la police que l’on peut s’expliquer, que l’on peut recontextualiser les responsabilités de chacun ; face aux magistrats c’est terminé, plus le temps de s’expliquer, on n'intéresse personne 

 

# Quelques concepts et Tips de la Négociation : 

·      L'équipe de négociation : il s’agit de combiner et d’adapter les profils de son équipe à l’équipe adverse et au sujet plutôt qu’à la force de l’habitude. Donc jeune, vieux, hommes, femmes, experts en …

·      Le négociateur en difficulté : cela arrive et plutôt que de le changer au cours d’une négociation, ce qui sera déstabilisant pour lui et mettra de la pression sur son successeur, on a tendance à le coacher, à lui donner des outils pour qu’il réussisse et capitaliser ensuite sur cette réussite.

·      L’objectif : est de parvenir à son objectif sans « tuer » l’autre 

·      L'OCP : Objectif commun partagé. Dans une négociation, c’est ce que l’on vend à l’autre partie 

·      Le 1er Prix : Le plus souvent installer son prix (à condition qu’il soit justifié) c’est installer la base de négociation ; sinon on se trouve à courir après celui de l’autre. Si l’autre répond : « je n’ai pas plus de … ou je ne peux descendre au-delà, il installe une nouvelle base

·      La ligne rouge : la ligne qui nous fera quitter la négociation

·      La ZAP : la zone d’accord possible, qu’on entrevoit au cours de la négociation

·      Stratégie : deux sont possibles ; soit on annonce un prix et on justifie ; soit on argumente et on conclut par un prix ; choisir la plus efficace. 

·      La résignation : c’est le timing de l’autre pas le sien ; attention à ne pas trop le serrer dans le temps 

·      Le Closing : important qu’elle se termine sur un sentiment de victoire ou au minimum de respect de l’autre partie. D’autant plus si on est amené à le revoir et négocier d’autres choses. Prendre son temps pour bien finir. Laisser le choix à l’autre est toujours une bonne façon de conclure : double bind tu veux sortir maintenant ou dans une heure ?

·      Débriefing et Retex : Derrière on fait débriefing à chaud de ce que on a appris et retex a froid avec les acteurs concernés sur ce que l’on fait de ce que l’on a appris

·      Le changement d’interlocuteur : si on renégocie avec quelqu’un, c’est plus compliqué parce qu’il y a de l’affect ; il vaut mieux changer de négociateur 

 

# Étude de cas : La négociation d’un otage français à Haïti

·      Situation : un ingénieur français envoyé à Haïti par le gouvernement est enlevé par des ravisseurs locaux. Ils appellent sa femme restée en France et lui demandent une rançon de 2 M€ livrée sur place 48h après. Aussi affectée que désemparée, celle-ci contacte la police pour lui expliquer son cas et en remontant la hiérarchie le dossier arrive au Quai d’Orsay qui missionne le Raid. Ces enlèvements sont habituels à Port au Prince et vise la récupération rapide de rançon dans un contexte de grande pauvreté et d’insécurité locale. Une cellule de crise est installée par l’équipe du Raid. Elle commence par prendre des renseignements sur les ravisseurs et attend un nouvel appel à son épouse. 


·      Question 1 : Quelle identité prend le négociateur ? 1Policier du Raid, le plus simple la vérité 2/Membre de la famille pour jouer la proximité affective avec un risque fort d’être dévoilé 3/Fonctionnaire de Bercy chargé de payer les rançons4/Diplomate du quai d’Orsay. Réponse 3 : un petit fonctionnaire chargé de payer car cela installe immédiatement l’OCP : il s’agit de payer. Reste à savoir combien et comment. 


·      Question 2 : Question quand le ravisseur appelle combien lui propose-t-on ? Réponse 5000€ car le négociateur sait que c’est le budget d’un an de survie à Haïti et que le prix sur le « marché des otages » est de 10000€. Cela installe la négo. Sa ligne rouge est que s’il touche à l’otage, s’il ne veut pas se mettre d’accord, il va transférer le dossier aux policiers qui eux ne seront pas mandatés pour payer. 


·      Déroulé : Après des menaces sur son otage, le ravisseur raccroche puis rappelle quelques heures plus tard pour proposer 10000€. Accepter tout de suite c’est reconnaitre que la 1ère proposition à 5000€ était déplacée et faire naitre de la colère.


·      Le Closing : le négociateur finit à 8000€, non pas pour faire une économie mais pour lui faire faire une bonne affaire : entre 5 et 8, il a gagné 3. C’est une bonne affaire pour tous, l’objectif recherché

 

# Bien préparer une négociation complexe 

  • Organiser le renseignement : sources blanches (publiques) , grises (infos de son réseau ) , noires (interdîtes)
  • Clarifier ses objectifs : hiérarchie, objectifs communs partagés, (OCP) 
  • Le non négociable : on ferme la porte sur certaines choses 
  • La carte des acteurs : directs et indirects (supports); on l’élargît au maximum 
  • La zone d’accord possible
  • Mesore : meilleure solution de rechange 
  • Pesore : pire solution de rechange. Important car danger/opportunité 
  • Équipe : nombre, diversité et rôles. Toujours être un de moins que la partie adverse (pour donner l’illusion qu’ils sont en position de force) mais jamais tout seul (sinon risque de s’illusionner par la pensée magique). Rôles = pilote, scribe, 
  • Lieu : On ne négocie Jamais dans son bureau car ça donne trop d’infos sur nous ; si en plus on la perd, derrière on va toujours s’en souvenir, le corps va se rappeler. Idéalement lieu neutre 
  • Organisation d’un ascenseur émotionnel : je vais accueillir les interlocuteurs et les mène à la salle de réunion (sympa), pas de café rien (désillusion, pas sympa) puis commande de cafés (re sympa)
  • Plans A, B, C… Entre un plan A et un plan B il faut créer une rupture de temps sinon, si on passe de l’un à l’autre brutalement, il y a risque de colère. La rupture sert à étudier la mise en œuvre du plan B, décider ses actionnaires. Elle suscite de l’espoir et se transforme en victoire pour l’autre .

# La boite à outil :

 

·      L’effet de position de Boudon : quand de bonne foi, sur une même situation, chacun voit la même chose c’est un Invariant ; quelque chose de différent c’est un divergent. La seule possibilité pour les faire converger est de leur faire changer de direction.

·      La feuille A4 : indispensable pour chaque round de négociation. 


    Le fil rouge : sujet de fond de la négociation 
    L'introduction : on écrit totalement,  pour ne pas être perturbé par ses émotions,  
    l'introduction du round du jour
    Mots clés, chiffres clés : seuls sont notés selon le déroulement du round
    Conclusion : toujours reprendre synthèse, next step et valorisation autre partie