"Sans cesse des intensités nous sont promises "ainsi démarre le nouveau livre de Tristan Garcia , réflexion d'un jeune philosophe-romancier sur la modernité dépassée et son au-delà qui s'invente aujourd'hui chaque jour dans nos existences .
Un petit traité décrivant l'évolution de l''éthique et de l'esthétique des classiques à aujourd'hui s'appuyant sur des théorie assez proches de Rosa et de son Accélération
#L'idée d'intensité :
La course à l'intensité qui régit nos existences a été impulsée au XVIIIe siècle avec l'apparition de l'électricité.
L'intensité est le promesse que nous tient la société libérale :devenir des hommes intenses, pas une autre vie ou la gloire de l'au delà mais seulement ce que nous sommes déjà plus et mieux.
Ce qui nous est offert c'est une augmentation de nos corps, une intensification de nos plaisirs,amours, émotions.
Mais qu'est ce que l'intensité , voilà la question et si la modernité promettait une rationalisation des connaissances ,des productions et des échanges, l'intensité est devenue la valeur éthique suprême de ce qui résiste à cette rationalisation.
L'intensité comme un idéal sans contenu , purement de la forme: être intensément ce que l'on est .
Ainsi l'esthétique classique reposait sur la correspondance d'une représentation à un idéal préexistant. Idéal lui même régi par des lois de symétrie , d'harmonie et d'agrément.
Aujourd'hui il n'est plus question de faire référence à cet idéal (ou à un autre, son dérivé) mais de dépasser la représentation par le choc de la présence des choses : l'oeuvre doit produire une expérience inédite chez le spectateur.
Alors comment juger ? seul compte de déterminer si la chose est forte.
L'esthétique devient devient alors : que le chose soit n'importe quoi pourvu qu'elle le soit avec intensité.
L'émancipation des individus au XVIIIième siècle a abouti à l'intuition moderne que l'éthique était l'élaboration par chaque homme de son propre tribunal.
Au soir de sa vie une seule loi préside au procès de soi à soi : que ce qui a été fait ,l'ait été avec intensité, est ce que j'ai vécu à fond.
Le fameux "chacun à ses raison" de Renoir dans La Règle du jeu.(*ndlc)
Bien loin des sociétés reconnaissant comme valeur suprême de l'existence son dépassement par un état souverain (vie après la mort, métempsycose,gloire, éternité) ou son apaisement dans l'extinction des intensités valables de la vie (illumination, nirvana,ataraxie)
Une certitude : il n'y a pas dans cette idée d'intensité ni salut, ni sagesse.
#Une image : ce que l'électricité a fait à la pensée
Le mot d'électivité est introduit vers 1600 et va fasciner le monde moderne pendant 400 ans au point où on pourrait définir la modernité comme la domestication du courant électrique.
Le courant électrique a à la fois déçu les espoirs de pouvoir tout expliquer et est resté inexplicable.
L'électricité s'est alors imposée non pas comme une idée définissable mais comme une image , celle d'une charge , perceptible et susceptible d'être domestiquée.
En parallèle l'image de l'électricité a envahi la pensée moderne en imposant le concept d'intensité :« L'électricité est devenue une sorte d'eau invisible, nichée au coeur même de la matière, et qualifiée dans un premier temps de "fluide subtil" : une eau de feu donc, mêlant les qualités de la première (mouvement et fluidité) à celles du second (chaleur et lumière), afin de former une énergie inédite. »
#la distinction rationnaliste entre force et matière :
Pour les grecs, la puissance était un plus ou un moins intérieure à chaque chose du monde : la force reçoit toute l'intensité expulsée de la matière et emprisonnée dans ce qui met les corps en mouvement.
Les rationalistes vont rompre avec ce principe physique et métaphysique d'énergie primordiale pour scinder entité et force : rien ne varie en soi,les êtres ne sont pas plus ou moins et restent les mêmes ; seule la force varient intensité et peut se mesurer.
Autrement dit toute l'identité va aux entités et toute la mesure à la force qui n'est que variation et aura de plus en plus de mal à se définir.
Par extension : l'absence d'une idée d'intensité , la rationalisation du monde a produit dans la pensée européenne , l'impossibilité de se figurer autrement que comme irrationnel le fait que quelque chose soit plus ou moins ce qu'il est .
L'intensité pure nest pas de ce monde, ce n'est que le sentiment du monde.
Reconnaitre la vérité revient à effectuer le deuil d'une intensité objective des choses et à admettre que dans les impressions des hommes il y a des intensités.
# l'apparition du 1ier symptôme de dépression de la conscience moderne : le sujet n'a de ressource qu'en lui même pour trouver quelque chose d'intense
#son hypothèse centrale : il s'est noué une étrange alliance dans l'esprit moderne entre une image (l'électricité) qui manquait d'une idée et une idée (l'intensité) qui manquait d'une image.
Intensité signifiait à la fois ,la variation d'une qualité,la mesure de la comparaison d'une chose avec elle m^me , la mesure du changement, ce qui permettait d'expliquer la sensibilité du vivant, du désir ...
« Etre sage, c'est en effet être égal, éviter les hauts pics et les creux profonds de ses humeurs et de ses passions. C'est travailler à la désintensification systématique de soi »
(*ndlc= note de la claviste)
(*ndlc= note de la claviste)