1 Pour Platon le "lieu des idées", est un lieu idéal auquel on accède par la seule abstraction comme à la plaine de la vérité. Le monde contemporain en a fait un lieu de marché avec une côte : l'idée européenne autrefois valorisée fait place aujourd'hui au care, au green ou aux bons sentiments.
La coïncidence d'un point de vue social et politique est ce fait légendaire qu'une idée dès lors qu'elle est collectivement assimilée n'est plus questionnée , ni même soupçonnée.Elle s'étale dès lors en pseudo évidence et génère elle même une obédience.
En même temps que la présence personnelle se dilue , que le face à face se volatilise, s'instaure un système de coïncidence idéologique qui lui aussi est sans visage.
Si on coche toutes les cases du moment , on peut être élu prix Nobel ,mais quand on ne les coche pas , quand on pense précisément que penser c'est sortir des cases, c'est décoincer...
Dès que l'on touche effectivement en pensant à la pensée , non pas à sa forme de slogan ou de cliché, on commence à entrer dans un commun de l'esprit, à l'opposé du grégaire et du collectif , et même , on a part à son éternité.
2 Ce sont les médias qui constituent à fabriquer la grande machine à coïncider de notre temps en limitant et bloquant d'autres possibilités de la pensée; en thématisant les catégories et en labellisant ce qui en fait partie ou non.
3 Les médias organisent le débat mais un pseudo-débat qui circonscrit le champ du débattable et non. la spectcularisation du débat conduit à sa peopolisation et donc à sa pauvreté. Les réseaux ne font que l'accentuer : pour faire de l'audience, il faut faire plaisir. On est passé de l'age du penseur à celui de l'influenceur.
# Sujet inerte / sujet alerte
1 La pensée moderne s'attache plus aux modes de subjectivation du sujet qu'au sujet lui même : connecté, communiquant , consommateur, le sujet est stimulé en permanence par son environnement de plus en plus digital. La connexion par le numérique s'est imposée comme une trainée de poudre et a changé radicalement le monde en à peine une génération. Le sujet devenu réactif en continu, ne peut plus s'en passer , il est assujetti. En situation de communication continue, qui se suffit à elle même, garder le contact prime désormais sur le contenu.Cela se prolonge dans le consommation, qui elle aussi est devenue continue.
Si le sujet se constitue originairement et de façon irréductible comme s'adressant à l'Autre par la parole, dès lors que se défait le sujet, se défait du même coup ce rapport à l'autre.des son rapport à l'Autre. Si l'on ne se parle plus , mais qu'on ne fait plus que communiquer avec les autres par dispositifs interposés, il s'ensuit que s'effaceront progressivement les derniers sujets que nous sommes.
C'est donc en s'extrayant du réseau que l'on peut reconquérir une position de sujet : par suite une capacité de juger, indépendante en son principe, par conséquent une autonomie éthique et politique.
L'enseignement religieux nous avait appris , le détachement vis à vis du monde avec ses règles et ses rites . Il y avait pour nous détacher du monde un Autre, Dieu, à statut d'absolu, vers qui nous re-tourner et nous convertir? Mais en se retirant , il n'est plus de refuge désiré pour scander la journée et réfléchir sur sa vie.
3 Dans cette modernité la position du moi-sujet a perdu sa double assise dans la pensée : son assise dans la stabilité de l'Etre et son assise dans sa relation à Dieu. Le su-jet a son histoire dans la pensée : Pour les Grecs : il se construit en se fondant dans l'Etre, il s'autorise une identité d'Etre. Pour les chrétiens : il se fonde en s'adressant à son Créateur, en se confiant à Lui (St Augustin) . Le sujet humain s'établit comme partenaire de Dieu dans la parole. Dieu lui révèle l'intérieur de son intérieur Aujourd'hui en se retirant, Dieu, le sujet a perdu son soubassement. Il s'agit de repenser le sujet , non plus en se fondant dans l'Etre, ni en le recevant d'un Autre mais d'un point de vue proprement humain. En terme de capacité, au risque sinon de se voir enfouir dans le monde et disparaitre à jamais.
Le sujet contemporain ne veut plus être la dupe d'un engagement mobilisant comme si souvent par le passé: il ne veut plus payer le tribut d'un absolu, ni d'un report dans l'au-delà et n'a plus guère en vue que l'immédiat en ce monde. D'où le discrédit dans lequel est tombé la notion d'effort. Sa vie est tant amortie qu'il n'est même plus capable d s'ennuyer , tant son portable en main es tlà pour l'en dispenser. : il s'est éteint, inerte, prostré.
4L'esprit n'existe que de ce qu'il s'entraine : l'esprit n'est qu'activité. De ce qu'il est hyperconnecté, le sujet en vient à se dés - intellectualiser, à se dé - conscientiser ; renonçant à toute construction d'une idéalité on se rabat sur la bienveillance et l'empathie. On panse et on arrête de penser. L'esprit ne consomme plus que de la proximité, du prêt à consommer. Si la parole est bien l'émergence du sujet, l'Esprit en est le relai, qui à la fois le déploie et le fortifie.
Peut-on imaginer , il y a seulement une génération , tous les rabattements née de la connexion généralisée et du Marché mondial ainsi que les paralysies de l'intellect et qui menacent aujourd'hui notre avenir de sujet?
De même que l'avénement de la photographie a forcé la peinture en Europe à sortir de sa coïncidence (la perspective, la ressemblance) et à se repenser, on peut se demander sir la mise au point d'une IA toujours plus perfectionnée , ne pourrait -elle pas provoquer de la part de ce sujet "fané" , un nouvel essor , qui ne peut être encore imaginé ?
C'est bien là la tâche de la philosophie désormais : comment justifier l'humain dans sa vocation., le promouvoir en sujet alerte face aux menaces qui l'entourent et qui ne sont pas qu'écologiques.
#La philosophie
1Même s'il est hasardeux d'en annoncer la fin, on en voit bien l'épuisement et la mort de la philosophie est un thème contemporain. Ou bien on pense qu'elle doit mourir, comme le concept de Dieu ou de Vérité sont morts ou on la réinvente
2 La philosophie n'est plus la clé de voute qui fait tenir la pensée, c'est plutôt l'artiste qui tient ce rôle. dans un monde l'opinion le philosophe est condamné à donner la sienne comme les autres. C'est en se détachant de ce régime de l'opinion, en décoincidant , que le philosophe s'ouvre une place, que l'esprit n'est plus affilié à une coïncidence, à une transcendance et s'ouvre une place, se découvre un destin propre.
3 Philosopher c'est s'écarter.
4 C'est sans doute quand elle a commencé en s'enseignant de s'enfermer , quand elle a commencé doctrinalement de s'imposer qu'elle s'est du coup vidée d'esprit et condamnée à sa propre élimination. Sa visée étant non de connaissance mais de réfléxion ou de questionnement.
La philosophie à qui on demande souvent dans les débats son opinion ne philosophe plus , elle doit se remettre au travail d'élaboration. C'est à dire produire des questions qui sont lentes à forger pour faire face à ce qui est effectivement à penser.
5 La tâche de la philosophie est froidement rigoureuse. Elle doit 1/ dépersonnaliser, se dépouiller de l'anodisent de l'anecdotique 2/ problématiser c'est à dire jeter devant soi, construire la question en possibles.3/modéliser pour élever à la généralité, dresser les cas en paradigme 4/axiomatiser en posant sur un plan logique l'ordre des raisons.5/dialectiser c'est à dire configurer du pensable, s'articuler en raisons.