mardi 30 octobre 2012

Temps de crise 21 : la crise du libéralisme


Pour Marcel Gauchet , historien des sciences sociales la crise du libéralisme est explicable par l'effondrement de 3 pilliers qui ont structuré nos sociétés depuis  l'époque moderne .

- L'effondrement du politique face au juridique c'est à dire la montée en puissance du droit des individus face au pouvoir des états. Nos sociétés deviendraient des sociétés du contrat et les individus qui les composent seraient en perpétuelle recherche d'émancipation de ces droits

- L'effondrement de l'état nation face à la mondialisation . L'état cédant de plus en plus de prérogatives sous la pression des marchés . l'idée de nation singulière reculant face au semblable mondialisé. L'impossible dualité citoyen consommateur.

- L'effondrement de l'idée de progrès qui sous tend notre développement depuis les Lumières. Cette "idée consolante du progrès"comme disait Kant; c'est elle après le retrait de Dieu et la disparition de la continuité monarchique qui fut l'espérance de nos sociétés depuis la Révolution. Cette idée selon la formule que "nos enfants vivraient mieux que nous ", cette idée qui n'est plus vraie pour la 1ière fois et retire beaucoup d'énergie aux générations actuelles.

lundi 29 octobre 2012

Dans la Publicité 1

Le changement comme vecteur d'image publicitaire positive.

vendredi 26 octobre 2012

Lexique 109 : L'écriture



"Dans l'écriture , on tourne toujours autour du même feu central. Mais comme on tourne les ombres changent ."
Christian Bobin

mardi 23 octobre 2012

Expressions 17 : A un moment donné

Ils le répètent tous à longueur démissions de radio, de talk show comme une incantation : à un moment donné.., suit alors une phrase circonstancielle assénée comme la vérité ...du moment.
Car il s'agit bien de cela : montrer que tout est relatif et circonstanciel la vérité comme la morale, "tu peux te consacrer au sport sans penser à l'argent , mais à ..", " tu peux aimer l'écologie , refuser le nucléaire, mais à .."
Et ils sont la pour ça ces nouveaux "anigouailleurs "des médias : venus directement de la rue où ils nous ont croisé 5' avant , ils nous ressemblent un avis sur tout et sur rien , beaucoup de certitudes d'un instant qui ne demandent qu'à être remises en cause car on est au théâtre, tous les points de vue sont possibles et défendus
Qu'ils nous parlent de sport, d'économie, de société ou de politique tous ces domaines où chacun à un avis c'est toujours avec l'idée que leur parole représente un peu la notre, celle de la masse , contre celle des élites et des institutions.
C'est une façon de réagir en restant au coeur de l'action, au contact ; créer plus de distance serait prendre le risque de s'éloigner de cet instant de l'action ou peut être pire , le risque de se mettre à penser en prenant du recul.
Car "A un moment donné"c'est avant tout  du parlé , une forme directe et communicante se débarrassant du formalisme écrit. Une forme d'expression extravertie ou chacun s'essaie à de nouvelles pensées qui lui viennent à l'esprit sur le moment.
"Aun moment donné" pourrait être le titre d'un nouveau journal des années 2010,un journal parlé et  populaire.

vendredi 19 octobre 2012

Lexique 108 : mélancolie


"Tous les changements, même les plus souhaités ont leur mélancholie;"
Anatole France

jeudi 18 octobre 2012

Temps de crise 20 : La crise sans fin



Si elle envahit notre présent sous de multiples visages, 
elle définit surtout la modernité depuis le XVIIIe siècle, 
analyse la philosophe Myriam Revault d’Allonnes. 
Un regard décalé et éclairant sur la crise, métaphore de nos vie

Outre qu’elle amplifie le creusement des inégalités et la montée d’une vulnérabilité sociale généralisée, la crise nous colle à la peau, comme un chagrin que rien ne viendrait soulager : le mot lui-même nous obsède, nous habite, nous plombe. Il envahit le quotidien où tout nous renvoie à elle, comme un poison permanent.
La crise définit notre époque, notre condition, notre horizon : l’idée même d’en sortir s’évanouit dans la résignation et le consentement à son omniprésence. La crise est une “crise sans fin”, avance la philosophe Myriam Revault d’Allonnes en titrant ainsi son nouvel essai, prolongeant une oeuvre placée sous le signe de la réflexion sur la démocratie et la modernité (Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie ?, L’Homme compassionnel…). Une crise sans fin, parce que nous vivons sous son“surplomb”, parce qu’elle est à la fois le milieu et la norme de nos existences, parce que nous n’en voyons pas l’issue, parce qu’elle n’en a pas ! Sous ce discours apparemment sombre et défaitiste, n’offrant aucune raison d’espérer de meilleurs lendemains, la philosophe réinterroge la notion de crise : elle en redéfinit les contours conceptuels et déplace le regard, souvent trop frontal, sur le phénomène. La crise n’est précisément pas un concept mais une “métaphore” qui a gagné la quasi-totalité des domaines de l’existence : économie, finance, politique, culture, valeurs, autorité, éducation, jeunesse, famille. La repenser d’un point de vue philosophique élargit le cadre des discours sur l’époque. D’où le problème épistémologique que pose l’usage répété du mot : “Est-on fondé à unifier sous un même concept des traits qui s’appliquent à des domaines si différents ?”, se demande Myriam Revault d’Allonnes pour qui “le constat de son évidence ne nous dit pas ce qu’il faut entendre par crise et ne lui confère aucun contenu immédiatement assignable”. Quel est donc le statut de cette crise qui est autant celle de la réalité objective, sociale, que celle de notre vécu subjectif ?
Si la crise a “officiellement” cinq ans (le scandale des subprimes, qui a éclaté en septembre 2007, constitue sa date de naissance), elle a surtout trois siècles, au moins ! Sans oublier que l’origine du mot lui-même remonte aux Grecs anciens pour qui la “krisis” désignait le moment paroxystique de la maladie. C’est le XVIIIe siècle, celui de la crise autant que des Lumières, qui impose le terme en l’appliquant à l’économie, avant que le XIXe ne s’en serve pour définir toute période de trouble et de tension, et que le XXe ne le radicalise, voire anéantisse toute idée de progrès de l’histoire.
À l’origine état d’exception, la crise est devenue une situation normale, permanente, depuis que le XVIIIe siècle inventa le “projet moderne”. La dissolution des repères, propre à cette époque qui se libère des héritages anciens, marque l’entrée dans l’âge de la crise : “La perte de la transcendance qui fournissait au monde humain ses repères ultimes entraîne une crise du sens et des valeurs de l’existence en général.” Crise et modernité sont donc indissociables : la modernité est même en soi “un concept de crise”. Notre temps se construit désormais “de lui-même dans sa différence”, contre la tradition, et “rompt avec tout principe de légitimité fondé sur la transcendance divine”. La modernité invente par là même un nouvel univers conceptuel et “un régime d’existence où s’impose la réflexivité”. Par-delà les grandes vertus de cette modernité dont nous sommes les héritiers, la crise trouve ses origines dans cette interrogation incessante et inachevée de la société sur elle-même. Se posant comme une mise en cause radicale de tout ce qui la précède, la modernité se trouve contrainte de définir de nouvelles positions. Myriam Revault d’Allonnes rappelle de ce point de vue les analyses éclairantes de Michel Foucault pour qui la modernité engage une “herméneutique du sujet” : l’individu est contraint de donner forme à son existence. “Se produire lui-même” : cette nécessité, excitante mais angoissante, génère une étrange coexistence entre créativité et fébrilité.
Occupée à revisiter l’histoire de la philosophie (de Kant à Foucault, d’Hegel à Arendt, de Ricoeur à Blumenberg…), Myriam Revault d’Allonnes laisse de côté, sans les minorer, les indices de la crise actuelle, qui sont autant de nouveaux modes de dissolution de la certitude : insécurité sociale, mondialisation, capitalisme financier, flexibilité, épuisement des modes d’action politique… Mais l’impuissance radicale dont chacun devine aujourd’hui l’étendue dans nos démocraties, la perte de la capacité de la société à se transformer elle-même par l’activité politique, nous obligent plus qu’elles ne doivent nous figer dans la peur. Cette montée des incertitudes invite à la réinvention de modes d’action et de pensée intégrant ce que l’on sait déjà de notre rapport historicisé à la crise.
“Quelles que soient son intensité et sa dureté, la force contraignante de la crise ne signe pas l’aboutissement d’un processus inéluctable, elle ne nous enferme dans aucune fatalité.” À l’inverse, elle “exige un retournement et une réorientation du regard : la crise sans fin est une tâche sans fin et non une fin”. Décalée par rapport à une pensée en vogue, plus frontalement militante (lire ci-contre), la réflexion de Myriam Revault d’Allonnes n’en porte pas moins le souffle d’une subversion douce et éclairante en ce qu’elle nous confronte à nos blessures fondatrices, à partir desquelles tout doit se réinventer.
Jean Marie Durand Extrait des Inrocks -septembre 2012

mardi 16 octobre 2012

Le Recul de la Mort :vers une immortalité à brève échéance


Comme souvent ,sujet très intéressant développé par Laurent Alexandre, biologiste, dans une des conférences de TedXParis.

L'évolution de notre espérance de vie :

Une des courbes les plus spectaculaires de notre évolution: elle a été multiplié par 3 en 250 ans
En 1750 l'espérance de vie est de 25 ans , aujourd'hui de plus de 80 ans et elle continue de croître d'un trimestre par an, ce qui fait dire au conférencier qu'en vieilissant d'un an, on ne se rapproche de notre mort que de 9 mois.
Evidemment cette courbe bouleverse tout : vie et stade d'évolution des individus, structure de la famille, protection des individus, santé, habitat...
Jung est peut être un de ceux qui avait abordé cette évolution assez tôt avec notamment son concept de mi-vie et d'évolution de la psychologie en fonction de l'âge.

Les scénarios possibles d'évolution :

Le scénario catastrophe : recule de l'espérance de vie à cause de la pollution, ogm, réchauffement climatique
Le scénario pessimiste : arrêt de l'évolution, la technologie aurait atteint un plateau , une limite
Le probable : poursuite lente de l'évolution jusqu'à 120 130ans
L'inouï : explosion technologique et augmentation très rapide de l'espérance de vie.

L'avénement des technologies NBIC :

Encore inimaginables il y a 10 ans elles permettent de comprendre la complexité du vivant et d'envisager une médecine de combat, de lutte pour préserver la vie.

Elles vont permettre de réparer les organes à des échelles de plus en plus petites(1/milliardième de m) :


Modéliser changer notre ADN, réparer nos cellules, créer des organes artificiels entiers, développer la robotique chirurgicale, grace à des nanos capteurs,des nanos implants, grace à la modélisation c'est à dire le décryptage du vivant par des ordinateurs puissants.

La loi de Moore ou plutôt l'évolution technologique informatique  est à la base de tout : ce fondateur d'Intel avait prédit dans les annés 60 un doublement de la capacité se stockage informatique tous les 18 mois; cela ne s'est jamais jusque là démenti.une puce réalise 1000 milliards d'opérations à la seconde, les plus ordinateurs 15 millions de milliards. Le cap du milliard de milliards d'opérations sera atteint en 2018;
Ces puissances permettent de comprendre et de modéliser le vivants de nos 100000 milliards de cellules.

Pourquoi n'a t-on pas vu venir cette révolution technologique ?

- Parce que tout cela est encore souterrain en labo (décryptage du génome)depuis 20 ans, la phase de démocratisation n'a pas encore commencée, assez peu de concrétisation visible. A partir de 2015
- Parce que les scientifiques eux même ne l'ont pas vu venu : Jacques Monod écrit dans les années 70 que la taille de l'adn ne permettra certainement jamais de le décrypter. 6 ans plus tard en 1976 commençaient les 1ières manipulations génétiques.
En 1992 les généticiens pensent qu'il faudra 2 à 5 siècles pour détailler nos chromosomes, programme qui s'est achevé en 2003.

Les 1ières concrétisations de la révolution NBIC :


Le séquençage des bases chimiques de l'ADN : en 13 ans il est passé de 3milliards de $ à 1000 milliard $, bientôt 100. Nous allons tous être séquencés ce qui va personnaliser la médecine et la rendre plus performante notamment en cancérologie (1individu sur 4)

Les prochaines vagues d'évolution  :
- La révolution de l'électronique  médicale : arrivent  les implants dans le cerveau pour traiter la maladie de Parkinson, des maladies obsessionnelles, Einzeimmer; les 1ières rétines artificielles pour traiter les aveugles, le 1ier coeur artificiel arrive; la robotique chirurgicale se développe (en 2030 les chirurgiens ne toucheront plus les malades)  .
- L'ingéniérie du vivant : au niveau de l'adn pour reprogrammer nos cellules; au niveau cellulaire, la régénération des tissus par les cellules souches; au niveau des tissus la fabrication d'organes entiers , il y a quelques mois un larynx entièrement fabriqué a été implanté chez un patient.



- Arrivée de la nano médecine : 1ier congrès cette année

Ces 3 vagues vont arriver d'ici 2020, d'autres recherches issues des laboratoires aboutiront à de nouvelles innovations d'ici 2050 , de sorte que de bond en bond l'espérance de vie pourrait atteindre un niveau que nous ne pouvons même pas imaginer aujourd'hui : 1000 ans peut être !

vendredi 12 octobre 2012

Lexique 107 : Rien n'a changé


"Toute l'évolution est faite par l'homme, qui conserve les instincts de la nature.Il suffit de rappeler Abel et Caïn , rien n'a changé."
Manoel de Olivera

mercredi 10 octobre 2012


La conduite du changement

    changement s’apprend, il ne se décrète pas
> Journal numérique
Ressources humaines - ManagementFusions, acquisitions, aménagements informatiques, optimisation des processus : la vie des entreprises est marquée par des évolutions de plus en plus fréquentes, par des changements de rupture ou continus, qui nécessitent une adaptation des pratiques de chacun. Le succès ou l’échec de ces périodes d’évolution est intimement lié aux facteurs humains : il s’agit d’enraciner les nouvelles pratiques dans l’ADN de l’entreprise, sans brusquer ni braquer. Si les techniques de conduite du changement ont été boudées en France pendant un temps, elles prennent de l’importance aujourd’hui au sein du management et des équipes de ressources humaines. À tel point qu’un nombre croissant de grands groupes font désormais le choix d’internaliser ces outils, en complément des services des prestataires spécialisés.
Drive the Change”, “La banque d’un monde qui change”, “Changeons de vie, changeons l’automobile” : jusque dans leurs slogans, les entreprises sont promptes à prôner le changement, synonyme de réactivité et de dynamisme. De fait, les sociétés sont confrontées de plus en plus fréquemment à des situations de mutation, qui nécessitent une conduite du changement. “Le rythme de transformation ne fait que s’accroître, confirme Stephan Paolini, qui dirige l’entité People & performance chez Cap Gemini. Sur les segments d’activités où on a pu voir une ou deux transformations en 18 mois glissants il y a sept ou huit ans, on trouve aujourd’hui six à sept projets”, explique-t-il.
Pourtant, beaucoup de managers négligent encore souvent cette problématique lorsque survient un changement important de l’entreprise. Plus d’une fusion sur deux échoue par exemple en raison du facteur humain. “L’apparition de la conduite du changement a eu lieu à la fin des années 80 aux États-Unis, rappelle Jean-Michel Moutot, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, dont Pratiques de la Conduite du Changement aux éditions Dunod. À l’heure des grands projets de transformation d’entreprises, on s’est aperçu que des individus s’opposaient, résistaient, ne permettaient pas aux projets d’aboutir” explique-t-il. Des dissensions peuvent aussi survenir à l’occasion d’une restructuration, d’un changement dans l’organisation, d’un projet informatique, ou même d’un simple déménagement…
Typologie de changements
La conduite du changement, ou “change management”, a pour but de faciliter l’acceptation des changements liés à la mise en place d’un nouveau projet, en réduisant au maximum les facteurs de rejet. Un domaine qui a vu ses pratiques se développer de façon impressionnante sur les dix dernières années. Les changements auxquels les entreprises peuvent être confrontées relèvent de deux types distincts, détaille Sébastien Durand, directeur général adjoint de Logica Business Consulting. D’un côté, le changement en rupture. “L’exemple typique, c’est une fusion : il y a un avant et un après. De l’autre, on trouve les changements continus. Il s’agit de tout ce qui va traiter de l’amélioration continue, type Lean ou Six Sigma.”
Ces concepts visent à simplifier et à optimiser les processus en éliminant des tâches sans valeur ajoutée ainsi que les pertes. David Autissier, fondateur de la chaire Essec du changement et co-auteur de Pratiques de la Conduite du Changement, identifie un second axe d’analyse pour classer ces projets : “Une fois qu’on sait si on est dans un scénario de rupture ou en mode progressif, il faut déterminer s’il s’agit d’un changement négocié ou imposé, explique-t-il. Si on est dans une démarche qualité, on est en mode progressif et en mode négocié. S’il y a un problème sur une usine et qu’il faut revoir complètement le système informatique, on est en rupture imposée, ajoute-t-il. Ces deux dimensions sont assez structurantes”.
Dans tous les cas de figure, les changements ont des répercussions sur le stress des entreprises et le niveau de capacité des managers et de leurs équipes. C’est à ce niveau que les savoir-faire en matière de change management doivent intervenir. Stephan Paolini souligne l’importance de la maturité de l’organisation, son agilité et sa capacité à gérer le rythme des transformations. “Plus cette capacité est basse, plus l’effort de conduite du changement devra être élevé” explique-t-il.
Les défis que représente la conduite du changement poussent la plupart du temps les entreprises à faire appel à des cabinets extérieurs spécialisés. Dans le cas d’un changement en rupture, ces derniers sont notamment chargés de définir un plan d’action, une méthodologie à suivre. “C’est le premier type de service que peut fournir le cabinet de conseil : comment va-t-on gérer la phase de transition en tant que telle ? Est-ce qu’on va utiliser des paliers successifs, une méthode big-bang, un déploiement progressif géographique ?” détaille Sébastien Durand. Le cabinet de conseil a également pour mission d’apporter un regard extérieur sur une situation donnée.
“Si l’assessment donne des résultats négatifs pour un certain nombre de collaborateurs, c’est sans conséquence pour le cabinet externe” analyse Sébastien Durand. Le spécialiste en conduite du changement peut aussi jouer le rôle de transition management ; un rôle socialement exposé, et qui peut nécessiter une mobilité géographique. “Lorsqu’on gère un carve out [cotation en Bourse de la filiale d’un groupe, ndlr] ou une externalisation de filiale, le manager va devoir assurer la transmission du savoir depuis le département comptable de l’étage du dessus jusqu’aux Philippines, la Chine ou le Maghreb, explique-t-il. Si on fait appel à un externe pour réaliser cette tâche, c’est aussi parce qu’il s’agit d’un rôle non pérenne : une fois la transmission terminée, il n’aura plus de travail.” Dans le cas d’un changement continu, le spécialiste est chargé d’apporter une méthodologie.
“Il va proposer une démarche qui va progressivement rentrer dans les mœurs de l’entreprise ; c’est une approche de plus longue durée, explique Sébastien Durand. Il faut impulser une dynamique, foisonner opérationnellement le middle management.” Pour ce faire, les équipes de change management font appel à des méthodes de team building, de concertation, qui permettent de créer les conditions du changement par l’organisation. Le but du jeu est que le mouvement soit ensuite auto-entretenu par l’organisation.
Changer l’ADN de l’entreprise
En effet, les spécialistes s’accordent sur un point : le principal piège à éviter est de voir le soufflé retomber. “Le risque est de crier victoire un peu tôt : ça commence à marcher, donc on baisse la garde. C’est là que ça peut être dangereux, note Yasmina Jaïdi, co-directeur du master RH International à l’université Paris II Panthéon-Assas, et ancienne consultante. Dans une entreprise, on travaille souvent dans l’urgence : on a tendance à sauter les étapes, ce qui va parfois entraîner des échecs.” Un acteur du secteur, qui a choisi de garder l’anonymat, cite le cas de la fusion entre Suez et GDF. “Personne ne s’est adapté aux valeurs de l’autre entreprise. D’un côté, la valeur, c’est le chiffre d’affaires généré, de l’autre, le respect du budget.” Parfois, la conduite du changement peut tomber dans l’alibi, déplorent les spécialistes.
“Vous trouvez parfois des gens qui se disent que le travail est fait alors qu’ils se sont contentés de mettre en place un plan de communication, note Stephan Paolini. Une telle situation a de grandes chances de se solder par un échec. À l’inverse, vous avez le change management qui est le pilote de la transformation, qui appuie, qui construit, et qui intègre les enjeux humains dès le démarrage. Ce change management-là, c’est celui qui fonctionne : il est plus long, plus lent, mais il fait davantage confiance aux individus et aux acteurs qu’aux processus.” L’objectif est d’enraciner les nouvelles manières de faire dans l’ADN de la société, en impliquant au maximum le middle management et les opérateurs.
La réussite est également liée à l’expérience de l’entreprise. Les groupes qui ont déjà opéré plusieurs transformations, et qui ont des réflexes d’adaptation, sont vus comme “matures” par les acteurs du secteur. “Ces sociétés-là sont plus agiles face à un changement de rupture : les réglages viendront comme une seconde nature” explique Stephan Paolini. “Nous avons un rôle de catalyseur : nous faisons en sorte d’accélérer le fait que les acteurs de l’entreprise changent par eux-mêmes” résume Sébastien Durand.
Certains prônent un processus par étapes, à l’instar de Yasmina Jaïdi. Elle définit huit points cruciaux : le déclic, la formation d’un groupe témoin qui sera le fer de lance du changement, l’élaboration d’une vision, l’élimination des freins au changement, l’illustration du changement par le comportement du top management au quotidien, les projets locaux qui permettent à chacun de contribuer aux changements, la mise en place de “quick wins” qui permettent de se rendre compte que les efforts ramènent des résultats positifs, et le suivi dans la durée.
Au-delà de l’aspect méthodologique, l’un des enjeux principaux tient à la vitesse attendue pour le changement. Le rythme de la mutation sera différent selon que l’entreprise fait face à un changement incrémental ou à une situation de rupture majeure. Il faudra réagir plus vite dans le cas d’un changement de marché, d’une perte de client… “Il n’y a pas une seule recette, il y a plusieurs leviers d’action à coordonner ensemble en fonction de la maturité de l’entreprise, explique Stephan Paolini. Beaucoup parlent de stratégies en huit étapes, mais encore faut-il savoir comment les utiliser. Dire qu’il y a huit étapes, c’est un peu comme dire qu’en musique, on compose avec sept notes…”
L’exception culturelle française
Dans le domaine du changement, la France fait figure de mauvais élève. Selon une étude du cabinet Mercuri Urval, moins d’un manager français sur trois considère que participer à la conduite du changement constitue une opportunité professionnelle, contre neuf managers sur dix chez nos voisins européens. “Quand on regarde les grandes fusions ou les grandes opérations de restructuring, la conduite du changement est vue dans l’inconscient collectif français comme quelque chose de naturel, qui va se dérouler tout seul, et qui est donc optionnel, remarque Sébastien Durand. Le change management se résume alors à la portion congrue : l’entreprise fait un peu de team building auprès du top et du middle management, et ça s’arrête là, déplore-t-il. Le problème, c’est qu’on fait alors du changement temporaire : l’organisation plie pendant la durée du projet et revient dans son état initial.”
Chacun ne partage toutefois pas l’avis selon lequel l’Hexagone serait un cas particulier dans ce domaine. D’après David Autissier, la France a pu avoir du retard sur ce plan il y a quelques années, mais les RH et des managers français affichent aujourd’hui une maturité plus affirmée sur le plan du change management. Par ailleurs, les effets de la mondialisation tendent à estomper les disparités entre les pays. “Aujourd’hui, que le siège soit situé à Paris, Londres ou Munich, le marché, c’est le monde, analyse Stephan Paolini. Les managers français, s’ils travaillent dans un groupe international, sont exposés à des sujets qui ne sont plus français, mais transversaux.”
Ces entreprises qui s’approprient les techniques
Si les techniques du change management ont été réservées de façon presque exclusive à des prestataires externes jusqu’au début des années 2000, les spécialistes du secteur remarquent qu’un phénomène d’internalisation a eu lieu voici quelques années. “Auparavant, les cabinets géraient 90 % des projets, confirme Jean-Michel Moutot. Depuis cinq ans, un virage s’est opéré. Les grandes entreprises se sont posé la question : ne faut-il pas intérioriser ce processus ? Beaucoup de sociétés ont fait le choix de construire des cellules internes” ajoute-t-il.
C’est le cas de sociétés comme EDF, ou encore Axa France Services, qui a commencé à internaliser les processus de conduite du changement dès le milieu des années 2000. “Cette manœuvre visait à accompagner le déploiement d’outils sur le poste de travail des commerciaux salariés, commente Miriam Bouchebouba, directeur optimisation, transformation, organisation et processus. Aujourd’hui, notre palette de contribution est plus variée qu’à l’origine : nous sommes aussi sur tout ce qui est diagnostic d’organisation ou proposition de nouveaux scénarios d’organisation.”
Certains prestataires ont fait le choix de surfer sur la vague de cette internalisation. C’est le cas de Cap Gemini, qui a créé en 2006 l’université de la transformation. “C’est un outil d’accompagnement de nos clients sur les savoir-faire requis pour les transformations qu’ils affrontent” explique Stephan Paolini, qui voit dans l’appropriation de ces techniques par les entreprises une tendance “naturelle” et “évidente”.
Selon la situation, certains leviers vont militer en faveur de l’internalisation ou du prestataire. “On considère que 70 à 80 % des compétences sont tout à fait transférables au niveau de l’interne de l’entreprise, souligne Jean-Michel Moutot. Les consultants, de leur côté, vont communiquer sur les 20 % restants, qui concernent des problématiques très pointues.” Il donne l’exemple de la mise en place d’un plan de communication. Si l’entreprise fait appel à un prestataire, ce dernier va devoir acquérir nombre d’éléments : réseaux de distribution, culture, sémantique, éléments de langage de l’entreprise… “L’interne, en revanche, connaît déjà tout cela et aura une capacité d’action plus rapide, plus efficace que les consultants”.
Pour Sébastien Durand, le recours à des spécialistes est souvent incontournable. “Bien sûr, tous les DRH ont suivi des formations sur ces sujets : comment passer de la phase de découverte/rejet à la phase d’appropriation/adhésion ? Mais il est difficile de passer de la théorie à la pratique”, fait-il valoir. Par ailleurs, même les entreprises qui se sont lancées dans un processus d’internalisation du change management doivent recourir dans certaines situations à des partenaires extérieurs à l’entreprise. “La plupart des entreprises ont toujours besoin de faire appel à des collaborateurs externes, eu égard à la charge de travail que cela peut représenter” souligne David Autissier.
Axa France, par exemple, continue de recourir à des partenaires externes malgré une force de frappe dédiée de 50 personnes en interne. “Nous avons besoin d’avoir un volant de contributions externes : nous avons des partenaires privilégiés avec lesquels nous travaillons soit en assistance technique, soit en forfait, pour nous aider sur certaines missions, explique Miriam Bouchebouba. Parfois, nous n’avons pas les compétences en internes ; il arrive aussi qu’elles soient toutes utilisées.” La notion de taille est également importante. “Une entreprise qui a un projet de changement tous les cinq ans n’a pas intérêt à affecter une cellule au change management, observe David Autissier. Plus la taille d’une entreprise est petite, plus elle va faire appel à des structures externes”.