mardi 27 octobre 2015

Lexique 160 : les espèces animales

 "Quand le monde change plus vite que le processus d'adaptation des espèces animales, beaucoup d'entre elles sont fauchées".
Elisabeth Kolbert

lundi 26 octobre 2015

Commentaires 29: A quoi rêvent les algorithmes ?

On a déjà parlé ici de Dominique Cardon , à l'occasion de son précédent livre "La Démocratie sur Internet", publié au Seuil en 2010.Ce sociologue et professeur à l'université de Marne la Vallée poursuit ses réflexions sur internet et plonge plus précisément dans cet univers  des calculs qui ont envahi notre quotidien via internet.
Dans tous les domaines finance,santé, transports, tourisme, et même l'amour ils sont partout présents à travers ce que l'on appelle le big data, c'est à dire le tracking  puis l'analyse de toutes nos données comportementales.
Les algorithmes sont ces boites à calcul qui enlèvent les spams des boites mails, hiérarchisent l'info sur Google, font des recommandations ou nous adressent des publicités.
Ils ne font pas cela tout seul, ils ont été programmé et l'analyse de cette programmation nous permet de lire un véritable mode d'organisation  du monde. A tel point qu'il propose une taxinomie de ces mondes en 4 familles différentes, chacune destinée à classer l'information numérique :
- La  famille  de la popularité : avec les mesures d'audience qui dénombrent les clics des internautes et ordonnent la popularité des sites; la vision la plus traditionnelle, proche des mesures des médias ou de la politique
- La famille du "pagerank" : le mode de calcul de classement de l'information sur google ; mesure méritocratique qui prétend isoler les excellents des moins bons à partir du jugement des autres
- La famille de la réputation :  correspond aux mesures de réputation qui se sont développées avec les médias sociaux et les sites de notation;cela donne des statistiques du benchmark dans lequel les internautes internautes évoluent pour se rendre visibles, se vendre..
- La famille des mesures prédictives : destinées à personnaliser les informations présentées à l'utilisateur,elles déploient des méthodes statistiques pour calculer les traces de navigation des internautes et prévoir leur comportement.

La thèse de cardon est chacun de ses mondes est bien différent, à sa vision propre et qu'on peut les politiser pour savoir quel monde nous voulons : est ce que l'on préfère voir ce que tout le monde voit ? ce que les experts ont jugé de plus important? ce que voient nos amis ? ce qui correspond à nos pratiques passées ?
Ces choix fait sans nous habituellement sont effectivement discutables parce qu'ils proposent des visions différentes de la société.
A un moment ou s'opère également un mouvement de société de la verticale à l'horizontale c'est à dire au passage d'une production de l'info  par les médias à une production plus horizontale par les réseaux ces différentes visions doivent plus que jamais susciter des débats et permettre des choix à ce personnage résuscité par Dominique Cardon : le citoyen .

jeudi 22 octobre 2015

Lexique 163 : le modèle agence ne change pas assez vite


"Le modèle traditionnel d'agence ne va pas s'adapter, il va disparaître .
Ce modèle ne change pas assez vite,(...) il reste conçu autour de quelques contenus qui prennent 4 mois à être développés et coûtent 2 millions $ chacun.Ce n'est pas tenable.
Les clients attendent une bien plus grande proximité avec leurs agences car ils ont désormais besoin de produire un flux continu de contenus dans un laps de temps très court et pour environ 20000$ pièce."
Brad Jakeman
Président de Pepsi Co Global Beverages group
(cité dans la très intéressante enquête d'Alain Delcayre de Stratégies n°1831)

mercredi 21 octobre 2015

Commentaires 26 : Les Barbares 2

Quelques notes et commentaires sur l'excellent livre d'Alessandro Baricco : Les Barbares

Son approche ressemble un peu à la systémique, comme par exemple :
"Un système est vivant quand le sens est présent partout et de façon dynamique.Si le sens est localisé et immobile, il se meurt"
# L'exemple de l'édition :
L'idée que l'édition va mal n'est pas nouvelle, un lieu commun qui repose sur deux piliers : 1/ les gens ne lisent plus 2/ les éditeurs ne recherchent plus que les profits à court terme et l'obtiennent
Si les faits démontrent que le volume d'affaires de l'industrie éditoriale augmente de manière constante dans les pays industriels plusieurs facteurs indiquent une mutation en cours :
Concentration  d'entreprises plutôt familiales aux dirigeants passionnés en grands groupes recherchant les profits; transformation des librairies spécialisées en mégastores généralistes en produits culturels; disparition de l'éditeur intellectuel qui travaillait sur le long terme au marketer obsédé par son marché; disparition des articles ou émissions critiques au profit des pages et show de promotions.
Tout cela est indéniable

L'histoire de l'édition en 3 gestes:
- jusqu'au milieu du XVIIIième siècle, ceux qui lisent des livres en écrivent  également ; c'était une communauté réduite aux frontières délimitées par l'instruction et le fait de ne pas travailler.
- au XIXième , le triomphe de la bourgeoisie, augmente les lecteurs, d'un nouveau genre ou geste , le roman-> le roman a rendu la littérature accessible à un public qui n'existait pas encore, connu d'énormes succès financiers; il était pensé pour couvrir la totalité du marché disponible et il a réussi à le faire; sa limite était l'analphabétisme des couches les plus populaires.
Le roman est alors perçu comme un menace, un objet nocif par les "écrivains-lecteurs" et la qualité moindre
- aujourd'hui la littérature de qualité vend un peu plus , parfois beaucoup plus et jamais beaucoup  moins ; c'est comme un oeuf au plat dont le jaune (littérature de qualité) se serait dilaté et le blanc serait tout le reste . Le blanc c'est à dire un nouveau marchés de livres , le plus important provenant de l'extérieur du monde des livres
Un des secrets des barbares : ne lire que des livres dont le mode d'emploi est donné dans des lieux qui ne sont pas des livres
Les barbares utilisent donc le livre pour compléter des séquences de sens qui sont nées ailleurs ; des séquences écrites dans les caractères de l'Empire qui ont peut être commencé dans le cinéma, la tv, la chanson..
Le livre en soi n'est plus la valeur, la valeur c'est la séquence;
Bien sur cela a une conséquence sur la production de livre, leur écrite: La Nom de la Rose (1980) est peut être ce 1ier livre bien écrit mais déjà autre chose

#Google :
Google s'est construit sur un principe qui va révolutionner la valeur des informations , comme une sorte de bande annonce de la mutation en cours : " la valeur d'une information sur le réseau est donnée par le nombre de sites qui orientent vers cette information et donc par la vitesse avec laquelle , si on la cherche , on la trouvera."
Cela ne veut pas dire que c'est l'info la plus importante lue par le plus grand nombre
Cela ne veut pas dire que c'est celui qui est mieux fait

Cela change totalement la notion de ce qui est important et ce qui ne l'est pas
Dans le monde ancien , une information correcte est importante dans la mesure ou elle correspond à la vérité, ou elle confirmée par des experts
Dans le monde de Google , on réfléchit d'une autre manière, puisque valeur d'une information n'est pas liée à ses caractéristiques intrinsèques mais plutôt à son histoire
Savoir devient partager de la surface en commun et non plus pénétrer de la profondeur pour en atteindre  l'essence
D'où les idées de trajectoire, de surfer, naviguer..

# Un histoire des mutations culturelles de l'Antiquité à nous jours :
Comment perdre son âme, peur de tout civilisation mais pas celle d'un barbare
- pour les héros de l'Illiade, les humains ont une seule vraie chance de mourir en héros et d'atteindre ainsi une dimension mythique; l'héroïsme n'st pas pour eux une option mais la seule direction possible
- dans la Divine Comédie , l'homme même si il aspire à la spiritualité,est encore soumis à l'autorité divine 
- l'humanisme est le moment où une élite intellectuelle commença à imaginer que l'homme pût contenir en soi un horizon spirituel qui ne relevait pas simplement de la foi religieuse..Cette idée d'une dimension laïque et spirituelle de l'humanité fut le privilège d'une petite caste d'intellectuels; pour tous les autres , il y avait la Religion révélée
- la bourgeoisie du XIX a fait entrer dans le domaine public à travers le romantisme  la certitude que l'humanité avait en soi le souffle d'un écho spirituel, et qu'elle abritait un horizon plus haut et plus noble : l'âme

# Quelques valeurs des temps présents:
# La morale de la muraille de Chine:

mardi 20 octobre 2015

Lexique 163 : ce vieux dilemme

"Seuls avec ce vieux dilemme du monde à changer, cette lancinante question de la radicalité et de la modération, ce besoin de troubles et de paix."
Judith Perrignon in Victor Hugo vient de mourir , L'iconoclaste 2015.

mercredi 14 octobre 2015

Commentaires 25 : Les Barbares 1

Parfois les éditeurs mettent un peu de temps à traduire les bons livres : écrit en 2006 sous forme de chronique de presse, Gallimard va mettre près de neuf ans à le publier en France.
On se demande bien pourquoi : sujet plutôt en vogue ( la grande mutation du temps présent), point de vue singulier, intelligence de l'analyse , ton humoristique, tout est réuni pour un bon livre.
Et c'est le cas , Les Barbares est un bon livre avec si ce n'est un point de vue totalement original ,une façon de raconter , de chroniquer l'invasion barbare qui nous éclaire tout particulièrement sur les" temps modernes".
Au passage la lenteur dénoncée de Gallimard a eu un mérite : tester la solidité des analyses 9 ans après.
Un des effets de ce livre nous dit Baricco dans sa préface française, est que beaucoup de gens ont été obligé d'accepter qu'ils ne pourraient plus expliquer les choses par l'habituel sermon sur les jeunes qui ne lisent plus, qui vont dans les fast food et qui ignorent qui est Antonioni.

#La Méthode de lecture proposée :
Le Bruit court : les barbares arrivent , ils sont en train de re dessiner la carte: ce sont des mutants qui remplacent un paysage par un autre et viennent créer leur habitat.
-> "Je voudrais scruter cette mutation, non pour en expliquer l'origine (c'est impossible) mais pour parvenir, fût ce de loin à la dessiner.Comme un naturaliste d'autrefois qui dessinait sur son carnet une nouvelle espèce découverte dans une petit ile d'Australie."

# Quelques thèmes d'analyse :
Le vin,  le football, l'édition vont être ainsi disséqués avec à chaque fois la proposition d'une mutation de geste :
-> "Une invention technologique permet à un groupe humain aligné essentiellement sur le mode culturel impérialiste d'accéder à un geste qui lui était jusque là interdit et qu'il relie d'instinct à un spectaculaire immédiat, à un univers linguistique moderne, conduisant ainsi ce geste à un  succès commercial foudroyant ".
Ainsi le vin à l'origine produit sous forme de vin de table en grande quantité et de grands vins pour quelques happy few. En France comme en Italie le vin était la boisson la plus répandue. Dans tous les autres pays on buvait plutôt de la bière et des alcools forts et ce jusque dans les années 80.
Et aujourd'hui le monde s'est renversé : depuis que les américains ( Mr Mondavi) ont décidé de faire du vin ,une boisson certes moins noble mais accessible au plus grand nombre.
En 30 ans ils ont quintuplé leur consommation et en boivent aujourd'hui plus qu'en Europe.
Plus fort encore : ils ont exporté dans le monde entier ce non à l'américaine si loin du "french spirit of wine"
Cette expansion a eu également des conséquences sur la production mondiale en imposant une norme culturelle moins exigente de la qualité : -> l'âme se perd quand on vise la commercialisation massive.
Plusieurs mouvements sont observables autour de cette mutation :
- une innovation technologique majeure : la climatisation; impossible de faire fermenter du vin là où on trouve des fortes chaleurs ou des fortes variations technologiques; donc impossible de faire du vin en dehors des nobles terres européennes (mythe précédent) ; sauf qu'avec l'air climatisé c'est possible et cela vient briser les privilèges de la caste qui détenait le primat de l'art (destruction du mythe)
- la révolution linguistique : parler du vin était compliqué et là aussi réservé à une élite; à partir du moment ou Parker, un américain a inventé un nouveau langage à partir de notes, le classement des crus est beaucoup plus simple et le choix des consommateurs facilité.
Les barbares utilisent toujours une langue plus simple , une langue moderne
- le spectaculaire devient la valeur : loin d'une baisse de qualité, les barbares inventent une nouvelle façon de faire qui devient référante, oubliant ou plutôt ignorant celle d'avant


Pub de change : quand Publicis fait sa pub


lundi 12 octobre 2015

Les "intellectuels médiatiques" sont ils en train de disparaître ?


Ils sont partout.
Presse écrite, radio, tv, web , réseaux sociaux, on ne parle que d'eux.
Dans tous les médias et de tous les débats, les mêmes "intellectuels médiatiques "sont aujourd'hui pris à parti sur tous les sujets : la crise, l'intégration, l'école, les réfugiés, la montée des extrémismes, de l'intégrisme, la guerre au Moyen Orient..
Tellement indispensables qu'ils semblent avoir remplacés les politiques dont l'usure médiatique est désormais trop avancée pour s'exposer souvent : il serait même préférable selon leurs conseils en com de se préserver pour préparer au mieux les prochaines échéances.
Alors la machine médiatique  a identifié une nouvelle cible : les intellectuels

Une question se pose alors : de quoi cette surexposition médiatique est elle donc le signe?

Explorons plusieurs hypothèses tant la réunion de ces deux espèces ne semble pas naturel au premier abord.
S'agirait -il d'un intérêt  soudain des médias pour les débats intellectuels ? j'en doute tant ceux ci semblent depuis longtemps plus attirés par le sang et les larmes, les coups de gueule et les effets de manche  que par les nécessaires complexité et finesse des échanges d'idée.
unique cela nous donne un indice sur la teneur des débats d'aujourd'hui plus proches du lancer d' anathèmes  que de la construction   en mode collaboratif en ces années 2.0
S'agirait -il plutôt de  l'émergence de nouveaux courants de pensée? J'en doute également au vu des débateurs régulièrement convoqués  : nous connaissons la plupart d'entre eux ,ainsi que leurs idées depuis des années voire des décennies et ils sont  à peu près restés sur les mêmes lignes ou au pire se sont radicalisés avec l'âge. Intéressant là aussi de constater qu'à une époque de transformations très importantes du monde, collectivement constatées, les mêmes acteurs continuent les mêmes débats .
Alors quoi ?
Si ils ne contribuent ensemble  pas à penser notre monde ou à construire de la pensée commune, pourquoi  les expose t-on autant ?
Je me demande si nous n'assistons pas au chant du cygne ? Aux deniers cris des vieux  dinosaures avant leur disparition.
Rappelons que cette "classe " des intellectuels, née au moment de l'affaire Dreyfus s'est constituée autour d'un combat comme une avant garde culturelle et politique osant à l'époque défier la raison d'état.
Plusieurs générations se sont ensuite succédées et souvent brillamment illustrées  pour régénérer ce modèle des  1890  aux années 70 en renouvelant leurs combats : surréalisme, antifasciste, guerre d'Algérie..
Mais voilà depuis au moins 20 ans la société est devenue majoritairement plus consensuelle et plus lisse, le pouvoir d'état s'est considérablement affaibli transformant nombre de ses intellectuels en libéraux libertaires  plus proches du pouvoir que d'une avant garde stimulante.

Alors que le monde bouge  l'intellectuel médiatique resterait dans une approche binaire du pour et du contre , de la gauche et de la droite, du noir ou du blanc et c'est même à cela qu'on le reconnaitrait : sa capacité à lancer des anathèmes et sa difficulté à penser aujourd'hui le monde dans sa complexité.

Oui cette catégorie d'intellectuels est peut être  bien en train  de disparaitre  et ce n'est pas faire d'l'anti intellectualisme primaire que de l'anticiper.

C'est plutôt partir à la rechercher de nouvelles voix susceptibles de  proposer une pensée nouvelle face aux enjeux de pouvoir de la société post moderne et post industrielle,  du climat, de la robotisation et de la singularité notamment, émergent pour nous aider à mieux penser le monde dans sa complexité.

Ce sont ces voix que nous avons envie d'entendre, ces nouveaux combats que nous avons envie de voir formuler pour le renouvellement d'une avant garde intellectuel et nous aider à penser le monde qui vient.

ps: je n'ai pas souhaité citer de noms dans ce papier car si ce sujet me parait important , il ne m'appartient pas de faire des classements d'intellectuels médiatiques ou avant gardistes, à chacun le sien!

mercredi 7 octobre 2015

"C'est une mutation. Pas un petit changement..."

"C'est une mutation.
Pas un petit changement, une inexplicable dégénérescence ou une maladie mystérieuse: une mutation accomplie pour survivre.Le choix collectif d'un habitat différent et protecteur.
Savons nous, ne serait ce que vaguement, ce qui l'a provoquée?
Me viennent sans nul doute à l'esprit certaines innovations technologiques à l'impact décisif : celles qui ont comprimé l'espace et le temps, resserrant le monde.
Mais elles n'auraient probablement pas eu un tel effet si elles n'avaient coïncidé avec un événement qui a ouvert grand le champ social : la chute de barrières qui, jusqu'ici, avaient tenu une part significative des hommes à distance de l'expérience du désir et de la consommation."
Alessandro Baricco in Les Barbares