vendredi 30 octobre 2009

Lexique 29 : La connaissance du changement



“ Le changement, dans son acceptation la plus générale, est inintelligible et contradictoire, c’est-à-dire impossible, sans un principe dont il procède et qui, par là même qu’il est son principe, ne peut lui être soumis, donc est forcément immuable; et c’est pourquoi, dans l’antiquité occidentale, Aristote avait affirmé la nécessité du “ moteur immobile ” de toutes choses. Ce rôle de “ moteur immobile ”, la connaissance le joue précisément par rapport à l’action ; il est évident que celle-ci appartient toute entière au monde du changement, du “ devenir ” ; la connaissance seule permet de sortir de ce monde et des limitations qui lui sont inhérentes, et, lorsqu’elle atteint l’immuable, ce qui est le cas de la connaissance principielle ou métaphysique qui est la connaissance par excellence, elle possède elle-même l’immutabilité, car toute connaissance vraie est essentiellement identification avec son objet. C’est là justement ce qu’ignorent les Occidentaux modernes, qui, en fait de connaissance, n’envisagent plus qu’une connaissance rationnelle et discursive, donc indirecte et parfaite, ce qu’on pourrait appeler une connaissance par reflet, et qui même, de plus en plus, n’apprécient cette connaissance inférieure que dans la mesure où elle peut servir immédiatement à des fins pratiques ; engagés dans l’action au point de nier tout ce qui la dépasse, ils ne s’aperçoivent pas que cette action même dégénère ainsi, par défaut de principe, en une agitation aussi vaine que stérile. ”

René Guénon, La crise du monde moderneGallimard Editions, 1946

mardi 27 octobre 2009

La mise à mort du travail,lundi 27/10 20h35 sur France3

En regardant cette série lundi soir je me dis que quelque chose est en train de se passer entre les événements de France Télécom, cette série de films,des déclarations ministérielles...
Des indicateurs d'une certaine prise de conscience médiatisée mais laquelle ?
Celle de centrales syndicales, des inspecteurs du travail, médecins ou psychologues du travail multipliant les avertissements depuis quelques années sur la souffrance au travail et trouvant enfin un écho médiatique.
Celle des grandes entreprises qui voyant pointer une nouvelle réglementation sur sur les risques psycho-sociaux s'y préparent.
Celle des experts en management qui parlent de changement, de rupture même dans les modèles de management, influencés par de nouveaux modèles économiques, l'accélération du temps, le recherche toujours accentuée d'allégement des coûts beaucoup plus que d'innovation ou de création de richesse.
Celle des collaborateurs eux mêmes , la majorité silencieuse assez peu encline à s'exprimer sur ces sujets surtout en temps de crise.
Celle des cinéastes enfin, réalisateurs d'un énorme travail relativement peu courant dont on peut simplement regretter qu'ils n'aient pas su (?),voulu (?)contrebalancer leur propos par des expériences plutôt réussies d'amélioration des modes de collaboration dans l'entreprise.Ca existe et ça pourrait faire du bien à beaucoup de gens de s'en rendre compte.

Pour revenir au propos du film,cela fait déjà quelques années que chacun sait, sent que le climat n'est pas bon dans certaines entreprises, que dans d'autres les collaborateurs sont à l'arrêt ,déboussolés : les repères d'un monde ancien de l'industrie classique fondées sur la productivité de la tâche et le contrôle de son exécution sont en train de disparaître laissant un grand vide derrière eux. De nouveaux modèles peinent à apparaître comme si l'innovation managériale suivait forcément l'innovation économique pour finalement la structurer, la consolider la pérenniser.
Car ne nous y trompons pas si le taylorisme se met en place par la volonté de M. Ford de fabriquer plus de modèles en série au meilleur coût, c'est bien ensuite ce système d'organisation du travail qui soutiendra le modèle économique.
Dit autrement : où sont les M.Ford de la nouvelle économie qui se met en place ?

vendredi 23 octobre 2009

Lexique 28 : L'urgence


Quand il est urgent c'est déjà trop tard.

Talleyrand.

« La peur du déclassement bride la société française »



Reprise d 'un papier des Echos sur la présentation du nouveau livre d'Eric Maurin.

Dans un essai à paraître aujourd'hui, le chercheur Eric Maurin pointe l'angoisse du décrochage qui touche notamment les classes moyennes. Une peur favorisée, selon lui, par les réponses politiques, qui tendent à renforcer la protection des salariés.
Une angoisse sourde, qui taraude un nombre croissant de Français. »Pour Eric Maurin, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), « la peur du déclassement »,titre de son livre (1) qui paraît aujourd'hui, imprègne la société française. Peur du chômage, de voir ses enfants sortir du système scolaire sans qualification, mais, plus largement, peur de perdre les avantages acquis : pour l'auteur, la société française est rongée par la hantise du décrochage.
Pourtant, le risque est faible : en 2009, en pleine crise économique, seuls 300.000 salariés en CDI ont été licenciés. « Une proportion infime, à peine 1 % de la population active » , rappelle Eric Maurin. Il n'empêche, la peur l'emporte.
L'exemple de la crise de 1993

Le sociologue rappelle notamment un exemple révélateur : « En 2007, l'Insee recensait 14.600 sans-abri ; si l'on retient le chiffre de 100.000 personnes, avancé par les associations d'aide aux SDF, on peut calculer que 0,16 % de la population vit dans la rue. Or, d'après un sondage réalisé en 2006, 48 % des Français pensent qu'ils pourraient devenir un jour SDF ; deux ans plus tard, avec la récession, cette peur s'est encore accrue, 60 % des personnes s'estimant désormais menacées. »
Cette peur de l'avenir se mesure particulièrement lors des crises économiques, comme celle de 1993, qui a vu le nombre de jeunes diplômés se tourner vers la fonction publique exploser. Avec la crise actuelle, le schéma pourrait se reproduire, vu la dégradation brutale du marché de l'emploi pour les jeunes diplômés.
Au-delà du constat, l'intérêt de l'ouvrage d'Eric Maurin est dans l'analyse des causes. « Depuis cinquante ans, les politiques publiques ont systématiquement privilégié la protection de ceux qui ont déjà un emploi plutôt que ceux qui n'en ont pas. Le résultat, c'est que la perte de statut est devenue un choc terrible : les individus peuvent tout perdre d'un seul coup. C'est une hantise, notamment pour les classes moyennes et supérieures », explique-t-il.
Le constat est particulièrement vrai au niveau de l'école. Le chercheur s'est livré à une analyse dans le temps long - de 1975 à aujourd'hui - de la valeur des diplômes face au chômage. Le constat est sans appel : « En 2008, le chômage parmi les diplômés du supérieur est inférieur à 10 %. Pour les non-diplômés, il monte à 50 %, soit un écart de 40 points. La différence n'était que de 10 points en 1975 ! La valeur des diplômes n'a jamais été aussi forte, mais, dans le même temps, échouer à l'école n'a jamais été aussi disqualifiant »,souligne Eric Maurin.
« Des blocages irrémédiables »

La conséquence de cet attachement aux statuts est politiquement dramatique. « Tout projet de réforme est perçu comme une remise en cause d'acquis chèrement acquis. On en arrive donc très vite à des blocages irrémédiables », remarque le sociologue. Il pointe notamment les limites de la réponse politique. « Pour absorber cette peur, il faudrait atténuer l'écart entre les catégories, afin que le déclassement social soit moins dramatique. Or, les politiques ont pris l'habitude, face aux crises, de renforcer les protections dont bénéficient les populations. »
De quoi faire prospérer, selon Eric Maurin, la « société des statuts. »

MAXIME AMIOT, Les Echos

vendredi 16 octobre 2009

Astuces et stratagèmes (10) : Tuer le serpent avec son propre venin


Tout jeune Alexandre faisait déjà peuve d'un esprit entreprenant et de beaucoup d'astuces. son père Philippe, roi de Macédoine , lui interdit de rencontrer la belle Phillis , une femme aux moeurs légères avec laquelle Alexandre entretenait une liaison passionnée. Le conseil venait d ' Aristote, le percepteur d'Alexandre, qui considérait cette liaison comme nuisible à son éducation. Phillis alla voir Aristote en lui disant que suite à son intervention elle se sentait très attirée par lui et lui proposa un rdv dans un bois le soir . Aristote tomba dans le piège : Phillis l'accueilli à moitié nue et lui demanda de se déshabiller et de se mettre à quatre pattes pour qu'elle puisse le fouetter. Très excité Aristote s'exécuta et à cet instant Alexandre et son père Philippe sortirent des fourrés pour constater à quel point son précepteur était vertueux.De honte Aristote se retira sur un île pour écrire un essai contre les femmes et Alexandre et Phillis reprirent leur relation.
(d'après Chevaucher son Tigre -Giorgio Nardone-Le Seuil 2008)

lexique 26 : L'utilité de l'anthropologie


Je voudrais pour conclure réaffirmer que l'anthropologie est plus que jamais nécessaire dans le monde que nous vivons.Ce n'est pas la biologie moléculaire ni les nanotechnologies qui vont nous apprendre ce que signifie être chiite ou sunite ou Pachtoun, ou nous expliquer l'histoire de l'expansion coloniale de l'Occident. .

Marcel Godelier in Communauté , Société, Culture; CNRS Editions 2009.

Lexique 27 :Les moyens du changement.


" Les moyens du changement sont partout les mêmes : :une attitude pragmatique faite d'écoute, d'ouverture et de respect,tout en ayant un objectif très précis et en se fixant une obligation de résultats. Pour le dire autrement , être ferme sue l'objectif, souple sur sa mise en oeuvre. Et non l'inverse si fréquent : être inflexible sur un processus au point de devoir in fine abandonner l'objectif. Quatre ingrédients sont clés : la lucidité sur la situation, la volonté de changement, la transparence quant à la destination et le courage de la mise en oeuvre."
Carlos Ghosn

jeudi 8 octobre 2009

Enquête narrative chez France Télécom




Les récents événements survenus ces derniers mois chez France Télécom, ainsi que la lecture du dernier livre de d'Eric Maurin "La Peur du déclassement" (Seuil 2009) m’ont fortement interpellé en tant que coach et praticien narratif : que peut apporter la Narrative dans ce contexte ? comment peut elle contribuer à éclairer la situation ? et peut être surtout comment pourrait elle aider les différents acteurs à trouver des solutions ?

Voici quelques unes des questions que je me suis posé et que je vous propose de traiter à travers ce projet d’enquête narrative chez France Télécom. Je m’y suis attelé avec toute mon expérience de « pionnier -vétéran « de la narrative en entreprise en France (5 ans d’interventions en entreprise avec un des tous premiers ateliers en 2004 dans une banque avec deux autres coachs ) et aussi, je l’espère, quelques unes des fines traces de l’humilité indispensable à la posture transmises par Michael White dans ses ateliers: celle d’un explorateur, solide sur sa posture, sa méthode mais décentré quant à son issue.

Partons des commentaires transmis par les médias ces derniers mois pour mieux comprendre les types d’explication qui se sont succédés et les logiques d’actions menées pour enrayer le processus.

1Explication par Le déni : il ne se passe rien dans cette entreprise, il s’agit d’un non événement . Justification statistique : le taux de suicide dans l’entreprise est inférieur au taux national des adultes en activité. Conséquence : comme Il ne se passe rien donc l’entreprise ne peut rien faire.

2Explication par le geste personnel : il se produit bien quelque chose mais il s’agit d’une multiplication de gestes individuels s’expliquant par des raisons exclusivement personnelles.Conséquence : Il se passe quelque chose mais dans la sphère privée, dans laquelle l’entreprise ne saurait porter de regard et encore moins intervenir.

3 Explication par les pratiques managériales : commençons par les mesures prises : le 28 septembre le Président Didier Lombard arrête le principe de mobilité systématique des cadres tous les trois ans ainsi que les objectifs individuels sur un plateau téléphonique ; le 5 octobre le directeur général présente sa démission.Conséquence de ces mesures : la reconnaissance de la responsabilité de certaines pratiques managériales dans l’entreprise.

4 Explication par Les risques psycho sociaux: fournies là aussi indirectement par une déclaration du ministre Xavier Darcos en adressant une demande de négociation aux partenaires sociaux pour « enrayer la spirale des suicides »

Conséquence : si on reprend la définition de l’INRS (institut national de recherche et de sécurité) il s’agirait dans cette hypothèse d’examiner des facteurs de stress au travail, violences externes ou internes…

5 Explication par le déclassement : dernière piste, celle que nous ouvre le sociologue Eric Maurin avec la sortie de son livre sur le concept de déclassement et surtout de peur du déclassement :« ressentie par l'ensemble de la société, y compris par les classes moyennes et supérieures,celles qui ont le plus à perdre. Cette peur est la conséquence, de politiques publiques, qui depuis cinquante ans ont systématiquement privilégié la protection de ceux qui ont déjà un emploi plutôt que le soutien de ceux qui n'en ont pas. L'aspect positif est que les salariés en place ont été de mieux en mieux protégés; L'aspect négatif c'est que la barrière est devenue de plus en plus difficile à franchir pour tous les autres...

Plus les statuts sont protégés, moins souvent on les perd, mais plus on perd quand ils disparaissent. »

Cette fois je me risque à l’analyse : c'est dans ce déclassement réel (perte de statut, mobilité obligatoire, plateau téléphonique) et surtout la peur de son accentuation (perte du statut de fonctionnaire) qu'il faudrait aussi rechercher la cause de ces gestes.

En relisant l’ensemble ces analyses, dont au moins 4 ont conduit à des actions concrètes de l’entreprise, je suis frappé par la relative absence du point de vue des salariés. Ils en sont même les absents implicites.

Pourtant, après toutes ces analyses, de nombreuses questions demeurent sans réponse et les salariés sans parole .

Reprenons simplement quelques unes des questions utilisées dans nos audits narratifs : Que pensent de la situation ces femmes et ces hommes rentrés voici 15 ou 20 ans dans l’entreprise, jeunes diplômés de l'université ou d'une école ?

Quelles étaient alors leurs motivations à entrer dans cette entreprise publique, fleuron de la technologie française ? Quels étaient alors leur projet,leurs espoirs, leurs rêves en la rejoignant ?

15 ou 20 ans plus tard quelles sont les difficultés rencontrent-ils réellement sur le terrain? Quelles sont les conséquences de ces difficultés pour travail ? pour eux-mêmes? Quelles valeurs sont, aujourd‘hui, négligées? Qu’est ce que cela les conduit à faire ? à ne pas faire ? Comment avec tout ce qui s’est passé peuvent–ils imaginer leur avenir dans l’entreprise ?

L’hypothèse narrative sous-jacente à toutes ces questions est que l’écart entre les aspirations passées et la représentation des difficultés actuelles est susceptible de révéler un certain nombre de valeurs négligées, elles mêmes à l’origine d'un certain malaise.

Faudrait-il poser ces questions pour tenter de produire une nouvelle explication ? Une de plus ?

Non pas seulement car la force de l’approche narrative est ailleurs :

- Elle permet d’abord d’externaliser le problème, c’est-à-dire sortir d’une voie sans issue où chacun se vit à tour de rôle comme le problème (salariés,direction, managers) pour partager une analyse et se donner la possibilité d’inventer des solutions .Travailler à cette externalisation c’est reconnaître l’existence du problème, condition préalable à tout traitement et ce d’autant que celui ci a été nié pendant des mois. Reconnaître n’amène pas forcément à expliquer mais pose les bases d’un changement possible , d’une nouvelle histoire par rapport à l’histoire dominante.

- Elle permet ensuite de relayer une parole vivante, toutes les paroles (salariés, managers, direction) porteuse d’émotions, de souffrance certainement mais peut être aussi de l’espoir de voir l’entreprise se reconstruire. C’est dans ces paroles qu’il sera possible de trouver le sens et l’énergie nécessaires pour reconstruire un futur possible à la portée des uns et des autres.

- C’est enfin mettre chacun face à ses responsabilités dans la mise en œuvre de tout un dispositif narratif où chacun prend sa place pour raconter tout d’abord puis surtout faire émerger les conditions d’une nouvelle histoire, la faire exister.

En conclusion l’approche narrative en entreprise nous aide à mieux comprendre bien sur, mais surtout à construire un cadre d’intervention permettant de reconnaître ce qui c’est passé et de libérer la parole.

Il s’agit ainsi de se donner la possibilité de créer au sein de la « communauté entreprise « une nouvelle histoire, un nouveau modèle collaboratif, plus celui d'un passé ancien qui n'est plus depuis longtemps, plus celui d'un passé récent anxiogène et dépassé mais celui d'un futur possible à la portée de tous.

C'est là tout ce que peut apporter l’approche narrative en entreprise.

C’est là tout ce que l’on peut souhaiter pour le futur de France Télécom.




mercredi 7 octobre 2009

Astuces et stratagèmes (9 ) : Circulaire et linéaire , linéaire et circulaire



L'art de naviguer en évitant l'impact direct des vagues et en les pénétrant plutôt par des trajectoires qui réduisent leur résistance et exploitent leur poussée .

(d'après Chevaucher son Tigre -Giorgio Nardone-Le Seuil 2008)

jeudi 1 octobre 2009

Lexique 25 : Pour penser le changement


Pour penser le changement et pour le voir ,il y a tout un voile de préjugés à écarter, les uns artificiels créés par la spéculation philosophique, les autres naturels au sens commun. .

Henri Bergson in La perception du changement-conférence d'Oxford 26 et 27 mai 1911.