jeudi 27 mars 2014

Accélération 1: ou comment définir notre monde par une transformation du temps

Accélération : ou comment définir notre monde post moderne  par une transformation du temps

Commentaires sur le livre de Hartmut Rosa, sociologue et philosophe allemand, auteur de Accélération La Découverte 2011.

Notre société a de nombreux points communs avec la ville u tempique de Kairos : "nous n'avons pas le temps alors même que nous en gagnons chaque jour".
Ce paradoxe est au coeur de la logique d'accélération décrite par Rosa.

Sa thèse est la modernisation n'est pas seulement un processus multidimensionnel dans le temps, mais qu'elle désigne aussi et avant tout une transformation structurellement et culturellement  très significative des structures et des horizons temporels et que le concept d'accélération sociale est le plus adéquat pour comprendre la voie de cette transformation.
La dimension temporelle est donc au centre de son étude et en fait toute l'originalité , une tentative de renouvellement de la théorie critique.

## Il distingue 3 approches successives du temps :
- celle des sociétés fortement hiérarchisées, pré moderne, divisées en corporation où domine un temps cyclique composés de processus et d'états récurrents.
- celle d'un temps linéaire qui remplace le cercle du temps par une ligne irréversible, venant du passé et se dirigeant, en passant par le présent vers l'avenir; c'est la conception moderne
- celui d'aujourd'hui, de la modernité avancée qui serait un temps linéaire à l'avenir ouvert

##Selon l'auteur les acteurs élaborent toujours simultanément  3 horizons temporels différents, en reprenant constamment la réflexion sur leurs relations mutuelles qu'ils doivent sans cesse réintégrer dans leur vie quotidienne :
- le temps du quotidien, celui des routines,des rythmes récurrents, de l'alternance entre travail et loisir, veille et sommeil et les problèmes liés à la synchronisation, la vitesse, la durée des actions..
"Plus le degré de routine et d'habitude diminue dans la modernité tardive, plus le temps devient un problème"
- le temps de leur vie, celui de l'ensemble de leur existence; la question de comment voulons nous passer notre temps se pose également à ce niveau : à quel âge je vais travailler? , vais je avoir des enfants avant la fin de mes études? à quel âge la retraite..
- le temps de leur époque qui vient enchâsser les deux 1iers, "de mon temps c'était différent"
l'association de ces trois plans suit toujours des modèles narratifs
(ndlc : il peut d'ailleurs être intéressant de travailler en coaching les lignes de cohérence sur chacun de ces 3 plans)


## Le deux dimensions de la crise du temps : depuis environ 1750 , bien avant le début de la Révolution industrielle paraissent des témoignages de désarroi exprimant le sentiment d'une gigantesque accélération du temps et de l'histoire; cela va se renforcer avec l'apparition du train .
En parallèle s'est développée une analyse diamétralement opposée à partir de l'expérience d'une cristallisation culturelle et structurelle  de sa propre époque perçue comme immobile ,dans laquelle rien d'essentiel ne se transforme, ou rien de neuf ne peut se produire.
Les deux perspectives se rassemblent aujourd'hui dans la métaphore de l'immobilité fulgurante de Paul Virillo, signifiante d'une époque dans laquelle le déchainement de l'histoire événementielle masque à grand peine l'immobilité des idées et des structures profondes.

## Le problème : Le temps se présente dans nos sociétés sous une forme très paradoxale : l'introduction de techniques de plus en plus raffinées de planification et d'organisation du temps , permet d'économiser de plus en plus de temps sans pour autant venir à bout de sa rareté.

##L'accélération est considérée comme une transformation bénigne ou maligne en fonction de ces conséquences : l'accélération de processus orientée vers un but est en soit souhaitable ; le danger réside dans le risque dé désynchronisation de processus, de systèmes et de perspectives suite à l'accélération
- les perpectives et modèles systémiques et institutionnels peuvent diverger de celles des acteurs par exemple provoquant une désynchronisation de ces deus structures temporelles
- une non coincidence croissante entre les " dimensions temporelles des acteurs perdant ainsi leur capacité à intégrer par le récit leur existence personnelle dans un passé riche de référents et un futur porteur de sens, destiné à leur fournir si ce n'est une orientation au moins une stabilité.
- les systèmes fonctionnels et des sous systèmes sociaux peuvent être désynchronisés entre eux: l'économie, la science iraient trop vite par exemple pour une gestion politique et une régulation juridique de changement sociaux .

##Le processus actuel d'accélération se présente comme un processus sans précédent de synchronisation globale où le temps prend une valeur beaucoup plus importante que l'espace
- l'internet, sans lieu est un symbole éclatant de cet âge de la mondialisation
- la finance est à la fois un processus d'accélération  des échanges qui ne permet plus de resynchronisation entre perspective des acteurs et perspective du système et ne sont plus par conséquent maitrisés ni politiquement, ni juridiquement.
- les individus et les états sont devenus trop lents pour la vitesse de transaction de la modernité mondialisée : la culture, la politique ne peuvent plus suivre la cadence.

##Son hypothèse centrale est que l'accélération sociale  déjà présente  dans la modernité franchit , dans la modernité tardive un point critique au delà duquel il est impossible de maintenir l'ambition de préserver la synchronisation et l'intégration sociales.
Il en résulte une transformation qualitative fondamentale des formes de gestion de la société qui implique le renoncement à l'ambition d'autonomie individuelle  et collective et par conséquent au projet de modernité .