jeudi 18 avril 2019

Commentaire 53 : Où atterrir ?(2/2)

#Distinguer le concept de nature-univers de celui de nature - processus : Un fait majeur va se passer au XVIIième , lorsque les savants vont considérer désormais la nature comme un facteur de production , une ressource justement extérieure , indifférente à nos actions et saisie de loin comme par des étrangers.
C'est ce qu'il appelle le recouvrement de la nature - processus par la nature -univers, qui du même coup la prive de mots de concepts, de directions.
Le rapport aux sciences ne peut changer que si l'on distingue soigneusement dans les sciences dites naturelles, celles qui portent sur la nature univers et celles qui portent sur le nature processus.
Pour les 1ieres la terre est un corps comme les autres, pour les deuxièmes, la Terre apparait tout à fait comme singulière.
Si la composition de l'air dépend des vivants, alors l'air n'est plus l'environnement dans lesquels les vivants évoluent mais le résultat de leur action, ce qui change tout.

#Rediriger l'attention de la "nature" vers le Terrestre pourrait mettre fin à la déconnexion qui a figé les positions politiques depuis l'apparition de la menace climatique.
Nous passons d'une analyse en termes de système de production à une analyse en termes de système d'engendrement.
Définition de l'anthropocène : le système terre réagit dorénavant à votre action d'une façon telle que vous n'avez plus de cadre stable et indifférent dans lequel loger vos désirs de modernisation.
Ce que le Nouveau Régime Climatique remet en cause, ce n'est pas la place centrale de l'humain, c'est sa composition, sa présence, sa figuration et pour tout dire sa destinée.

#Dire : "Nous sommes des Terrestres au milieu des terrestres" n'introduit pas du tout la même politique  que dire: " Nous sommes des humains dans la nature."
Les terrestres ont, en effet le très délicat problème de découvrir de combien d'autres êtres ils ont besoin pour subsister.C'est en dressant cette liste qu'ils dessinent leur terrain de vie.

#Dans un système d'engendrement, ce sont tous les agissants, tous les animés , qui se posent la question d'avoir des descendants et de se reconnaitre des ascendants, bref de reconnaitre et de s'insérer  dans des lignées qui parviendraient à durer.
La perversité du front de modernisation, c'est qu'en ringardisant la notion de tradition comme quelque chose d'archaïque, il a rendu impossible toute forme de transmission, d'héritage, de reprise et donc de transformation , bref d'engendrement.
Pris dans un système de production, les humains sont seuls à pouvoir se révolter.En basculant dans un système d'engendrement on va pouvoir multiplier les sources de révolte contre l'injustice et, par conséquent, accroitre considérablement la gamme des alliés potentiels dans les luttes à mener pour le Terrestre.

Pour synthétiser et en dramatisant, il s'agit d'un conflit entre les humains modernes qui se croient seuls dans l'holocène en fuite vers le Global ou en exode vers le Local  ; et les terrestres qui se savent dans l'Anthropocène et qui cherchent à cohabiter avec d'autres terrestres sous l'autorité d'une puissance sans institution politique encore assurée .

L e problème est que le Terrestre est à la fois connu de tous et, en même temps, le Nouveau régime Climatique n'a pas encore d'institution partagée, on est dans un entre deux.
Si la politique s'est vidée de sa substance , c'est qu'elle combine la plainte inarticulée des laissés-pour-compte  avec une représentation au sommet tellement agrégée que les deux semblent en effet  sans commune mesure. C'est ce qu'on appelle le déficit des représentations.

#Il faut accepter de définir des terrains de vie comme ce dont un terrestre dépend pour sa survie et en redemandant quels sont les autres terrestres qui se trouvent sous sa dépendance.
Dans le système de production la liste est facile à établir : des humains et des ressources
Dans le système d'engendrement, la liste est beaucoup plus difficile à enregistrer puisque les agents, les animés , les agissants qui la composent ont chacun leur propre parcours et intérêt.
A quoi tenez vous le plus ?
Avec qui pouvez vous vivre ?
Qui dépend de vous pour sa substance ?
Contre qui allez vous lutter ?
Voilà les très difficiles questions auxquelles on se retrouve confronté.
La mondialisation nous a fait perdre de vue , le tenants et les aboutissants de nos assujettissements.

Exister comme peuple et pouvoir décrire ses terrains de vie , c'est une seule et même chose, c'est justement de cela que la mondialisation nous a privés.
Ce qui est frappent dans la situation actuelle c'est de voir à quel point les peuples qui manquent d'une telle représentation d'eux mêmes, se sentent égarés et perdus.