jeudi 18 janvier 2024

APM 36 La 3ème voie : la voie du vivant

 



Rencontre APM le 18 janvier 2024 avec Olivier Hamant, chercheur à l'INSA et directeur de l'institut Michel Serres.

Le point de départ de cette dé construction pour Michel Serres : la loi de correspondance de l'offre et de la demande est fausse, on devrait parler de loi de correspondance d'un besoin et d'une ressource.

1 Le concept d'anthropocène : 
Concept géologique signifiant que chaque m2 sur terre contient une trace de la main de l'homme.
# Etape 1 : La Renaissance , révolution qui commence par un changement radical de point de vue contenu notamment dans la peinture : la perspective ou commisération en latin , permet de mesure les choses et entraine la possibilité de les exploiter. 
De la Renaissance, de la pensée moderne, naît ,entre autre , l'exploitation systématique du monde 
# Etape 2 : Le monde actuel ,où nous "dépendons désormais des choses qui dépendent de nous " Michel Serres. Il n'y a lus de territoire nouveau à découvrir; la nature déconnectée des humains n'existe plus. Dès que nous faisons quelque chose , une autre chose nous revient en boomerang. C'est un changement radical de trajectoire.

#Un changement global : depuis le darwinisme, la théorie de l'évolution, on n'avait pas connu un tzl changement. Un paradigme nouveau qui bouleverse tout.
En 2020 : on établit le constat que tout ce qui a été produit sur terre depuis l'origine des hommes est plus lourd que la biomasse.

# La bifurcation : Le début de l'anthropocène est daté factuellement et mesuré en 1950 : le moment où l'on passe d'un système à l'autre dans : transports, production papier, tourisme de masse, télécom, usage de l'eau , utilisation de l'énergie primaire, population urbaine...
Si le monde a complètement changé, l'homme lui n'a pas changé dans ses croyances et comportements. 
Les deux guerres mondiales en ont été les catalyseurs dans de nombreux domaines : armement, transport, informatique, médecine...
"Les humains sont devenus les organes sexuels des machines"= ceux par qui elles se reproduisent
Quelques effets :
Depuis les années 60 , il n'y a plus de famine de plus de 10 millions de morts dans le monde en raison de l'agriculture industrielle et de la médecine.
Les océans sont aujourd'hui aussi acides qu'ils ne l'étaient il y a 14000 ans. Leur température est chaque année plus élevée.



2 Un monde de plus grande incertitude : de la moyenne (prévisible) à l'écart type (imprévisible)
Le monde évolue vers un monde de plus en plus fluctuant : des variations plus fréquentes, d'une plus grande amplitude dépassant régulièrement les écarts type.
Les 4 limites planétaires :
#Pénurie des ressources : la décarbonation nous entraine dans le remplacement du pétrole par des minerais. Les mines se développent , les métaux sont rares et comme on les broie , ils consomment beaucoup d'eau et transmettent des résidus polluant aux rivières et océans. Un voiture électrique utilise 4 fois plus de cuivre, qu'une voiture thermique (une tesla 6 fois). 
Il ne s'agit pas de décarboner l'économie mais de la recarboner par les plantes
#Crise climatique : le paramètre le plus évoqué et pourtant pas central car conséquent de la biodiversité
#Effondrement de la biodiversité : le paramètre et le levier systémique le plus important : agir dessus fait reculer pollution et agit sur le climat.
En 30 ans , on a perdu 80% des insectes.
Le monde est peuplé de vertébrés : domestiques (65%), humains (32%), animaux sauvages (32%)
La baisse de la bio diversité entraine mécaniquement une baisse des services biosystémiques : nettoyage, filtration...

Le Club de Rome prévoyait en 1972 un point de bascule vers 2030  en matière de finitude de ressources , il est aujourd'hui confirmé à quelques années près.

#Pollution globale
3 Les voies du possible : la 3ème voie, celle du vivant 
Jusqu'à présent deux voies sont présentées comme une alternative :
  • Le développement durable ou croissance verte : pas suffisante ni assez efficace
  • La sobriété ou ralentissement : pas acceptable par la population
Pas vraiment convaincantes. 



Une 3ème voie est possible : celle du vivant 
Pour mobiliser un collectif il faut un infini :
  • Dans le monde ancien : L'infini de la spiritualité et sa promesse de salut ont fonctionné jusqu'à l'époque moderne avant de s'effondrer par le désenchantement du monde au profit de la matière
  • Dans le monde moderne : L'infini de la matérialité et sa promesse de bonheur terrestre s'écroule avec la finitude de nos ressources et la dégradation de notre environnement de vie terrestre.
  • Dans le monde futur : Il s'agit d'inventer , de proposer un 3ème infini : celui des interactions pour créer de la valeur à ressources constantes.
Dans la voie moderne quand l'homme a un problème -> il consomme vite une ressource -> il trouve vite et seul une solution . Seuls les humains et les parasites fonctionnent ainsi
Dans la nature quand il ya un problème -> l'être vivant -> passe du temps à crée ou activer de nombreuses interactions -> passe beaucoup de temps à régler son problème en multipliant les interactions et consommant le moins possible de ressources .

"Faire fonctionner le même système avec plus d'intensité ou de vitesse ne changera rien à la trajectoire tant que la structure ne sera pas modifiée".
Pour faire changer une trajectoire , ce ne sont pas les éléments qu'il faut changer mais les interactions.
Exemple de la voiture : passer du thermique à l'électrique n'est pas la meilleur réponse. Il faut aller vers la diversification des moyens de transport, le co voiturage...
Multiplier les interactions : résout vraiment les problèmes, coûte moins cher, est indispensable à la robustesse du système, résout des problèmes auxquels on avait pas pensé.





4 Les grands principes du vivant : 
# Un temps long et circulaire : un arbre évapore 500 Litres d'eau chaque jour ; ce sont les plantes qui amènent l'eau sur les continents , repeuplent des déserts, forment les nuages et provoquent ma pluie par évaporation .

#L'abondance stimule la compétition individuelle : la pénurie stimule la coopération du groupe. Vu pendant le confinement : au début chacun s'est précipité au supermarché (compétition); ensuite ,quand les ressources ont baissé , entraide . Quelques arbres tombent en montagne : en bas , où ils sont nombreux, la clairière est vite comblée , les ressources sont abondantes. En haut il ne se passe rien, les ressources limitées ne permettent pas l'expansion.

#La robustesse se construit contre la performance
La performance c'est atteindre son objectif (efficacité) avec le moins de puissance (efficience)
La robustesse c'est maintenir le système en équilibre stable malgré les fluctuations

Les qualités de la robustesse :                                                   Les qualités de la performance :
Inefficacité (pas d'objectif)                                                          Efficacité 
Incertitude                                                                                   Certitude
Lenteur (pas de délai)                                                                  Rapidité (évaluation)
Redondance                                                                                 Singularité (valeur)
Incohérence                                                                                 Cohérence
Inachèvement                                                                              Achèvement 



Il s'agit donc d'inverser notre système de valeurs.

Les qualités opérationnelles des être vivants sont à l'inverse de notre système de croyance managérial inventé par les militaires, développé par les entreprises , désormais régnant sur nos modes de gouvernance et choix politiques.

Un être vivant est robuste parce qu'il n'est pas performant.
Optimiser les performances d'un système en fragilise la robustesse
Cela fonctionne des plantes à la biologie moléculaire.
La photosynthèse permettant à partir de la lumière de carbone de créer de la matière organique est un des plus vieux mécanisme sur terre : 3,8 milliards d'année

Les êtres vivants se construisent sur l'adaptabilité qui dépend de leur robustesse
D'où la nécessité de faire évoluer la notion de progrès :
Jusqu'au 20ème siècle , le progrès -> améliorer la performance
Aujourd'hui, le progrès -> améliorer la robustesse

#Exemple 1 : passer de l'agriculture industrielle à l'agro biologie
L'agriculture industrielle est à très faible rendement : 0, 1 entre ce qu'elle rapporte et le côut en ressource (pétrole , eau).
L'agro biologie a certes un rendement plus faible mais plus d'assurance grace aux mélanges végétaux
Ca marche et la coeur du système a basculé en 10 ans notamment dans le sud de la France
#Exemple 2 : passer des matériaux "durs" aux matériaux vivants dans la construction
Patrick Bouchin a développé une méthode participative : faire bouger un quartier en partant des besoins des habitants
Développer des solutions de construction plus robustes et diversifiées visant l'autonomie technique des citoyens pour l'entretien, les réparations d'usure...

Dans le monde de la performance , on est dans la puissance 
Dans le monde de la robustesse , on est dans la facilitation

Le pouvoir rend impuissant




#Le changement indispensable d'indicateurs :
"Quand une mesure devient une cible, elle cesse d'être une bonne mesure "
-> le dopage dans le sport vient sanctionner la course à la sur performance
-> le bachotage avant les examens dessert l'apprentissage
-> les publications trop rapides non vérifiées polluent la recherche

Il faut évoluer vers de nouveaux indicateurs plus inclusifs :
-> bien être mental, sociétal ou physique
C'est également vrai des entreprises.