C’est mon ami Bébert qui m’a averti de ce texte d’Asimov publié par Robin
Prudent pour rue 89. Evidemment un
article sur la créativité d’Asimov, un de nos auteurs fétiches de nos jeunes
années, on était obligé de regarder de plus près. A quand celui de P .K Dick sur le même sujet.
« En 1959, l’écrivain de science-fiction Isaac
Asimov avait participé à des recherches collectives à propos d’un
bouclier antimissile pour l’armée américaine. C’est son ami, le scientifique
Arthur Obermayer, qui l’avait invité à se joindre à des sessions de réflexions
autour du projet militaire de l’Agence pour les projets de recherche avancée de
défense (Darpa).Asimov ne participa qu’à quelques
réunions, de peur que sa liberté d’expression ne soit limitée par les
informations confidentielles qu’il allait devoir traiter. Mais ce passage ne
fut pas anodin, puisqu’il laissa derrière lui un texte (en anglais) sur la créativité.Plus d’un
demi-siècle plus tard, son ami scientifique est retombé dessus et a décidé de
le publier. Voici ses principaux conseils qu’il donne pour faire émerger une
idée géniale.
1 Rassembler des connaisseurs et des excentriques
Pour Isaac Asimov, le processus de créativité est similaire dans tous
les domaines de recherche. La grande idée ne sort pas de nulle part, mais d’une
connexion inattendue de plusieurs faits ou idées déjà étudiés. Pour faire
émerger un concept inédit, il faut donc rassembler des personnes ayant des
connaissances fines du sujet en question et d’autres qui n’ont pas peur de
proposer des rapprochements un peu fous.
Si cette connexion n’a pas nécessité d’audace, c’est qu’elle n’est
qu’une idée corollaire à une idée plus ancienne. Une grande innovation ne
devient raisonnable qu’après avoir émergé.
2 Créer une ambiance de travail ouverte aux réflexions stupides
Une fois les bonnes personnes rassemblées autour d’une même table, rien
n’est encore gagné. Isaac Asimov cherche alors le moyen de les persuader de
laisser libre cours à leur imagination. Pour cela, il faut une grande liberté
de ton et de propos.
« Le plus important est de laisser une certaine quiétude et
permissivité. Le monde, en général, désapprouve la créativité, et être créatif
en public est particulièrement mal vu. Même émettre une supposition en public
semble inquiétant. [En session de réflexion] les personnes doivent avoir le
sentiment qu’on ne les désapprouvera pas. »
Ainsi, deux types de personnes doivent être écartés de ces
sessions :
ceux qui ne seraient
pas prêts à entendre des idées stupides et déstabiliseraient ainsi les
autres ;
et ceux qui auraient
une réputation à ne pas perdre ou une autorité trop forte et réduiraient
l’assemblée à une obéissance passive.
L’écrivain insiste :
« Même si ces personnes sont individuellement très intéressantes,
elles risquent de neutraliser les autres. »
3 Pas plus de cinq participants en même temps
Isaac Assimov met aussi en garde contre la volonté de multiplier les
membres de ces sessions de réflexions.
« Le nombre optimal de personne dans chaque groupe ne doit pas être
très élevé. Pas plus de cinq personnes ne sont nécessaires. Un nombre plus
élevé de personnes permettrait d’apporter davantage d’informations, mais la
tension créée par l’attente de pouvoir s’exprimer peut devenir très
frustrante. »
L’auteur préconise donc de faire varier les participants plutôt que
d’imposer la venue de tout le monde, en même temps.
4 Cultiver l’informel et éliminer le sentiment de responsabilité
Malgré le caractère très sérieux des recherches militaires auxquels il
participe, Isaac Asimov préconise de cultiver une certaine légèreté dans ces
sessions de recherche.
« La jovialité, l’usage des prénoms, les blagues, sont – je pense –
à l’origine des idées. Pas en eux-mêmes, mais parce qu’ils participent à
l’enthousiasme qui doit accompagner de la folie créatrice. »
Ainsi, il délaisse volontiers les salles de conférences austères pour
réunir les groupes chez l’un des participants ou autour d’un dîner au
restaurant.
De plus, le fait de se sentir coupable de ne pas avoir eu une de bonne
idée est la manière la plus sûr de ne jamais faire émerger cette bonne idée.
« La chose qui inhibe le plus cette créativité, est sûrement le
sentiment de responsabilité. Les plus grandes idées des derniers siècles sont
venues de personnes qui n’étaient pas payées pour avoir cette idée. [...] Les
idées sortent des portes secondaires. »
5 Trouver un psychanalyste et un arbitre
Pour faire émerger des idées enfouies profondément, il faut aider les
participants à stimuler leur créativité.
« Il faut qu’une personne ait un rôle proche de celui du
psychanalyste, c’est-à-dire poser les bonnes questions pour laisser les
personnes parler de leur passé afin d’obtenir de nouvelles
connaissances. »
Les sessions de réflexions collectives ne doivent pas non plus être en
dehors de toutes règles. Pour cela, un autre personnage clé doit être
présent : l’arbitre. Selon Isaac Asimov, celui-ci doit poser des repères
dans le débat et guider les réflexions vers le sujet central.
Si vous respectez ces règles, les dispositifs artificiels pour stimuler
la créativité ne vous seront plus être nécessaires selon l’auteur. Les idées ne
devraient pas tarder à arriver. »
Ce que je trouve formidable c’est que 60 ans après cette technique s’est
tellement développée qu’elle est aujourd’hui au cœur de la plupart des
processus d’innovation ,au point d’être devenue un outil de base de certaines disciplines comme le marketing ou la communication. (même si les techniques d’animation
varient considérablement selon les sujets)
Mieux je pense qu’elle a
fortement contribué à la revalorisation des processus de créativité dans l’entreprise
en générale et dans les pratiques innovantes en particulier.